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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/125

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kana. Son plus jeune frère, cependant, ne revint pas avec lui, mais édifia un village permanent, Olivilevi, où il demeura. Ce récit, que tout indigène adulte un peu intelligent est prêt à confirmer dans tous ses détails, représente une constatation historique à l’authenticité de laquelle on peut se fier, dans la mesure tout au moins où les constatations de ce genre qu’on obtient dans les communautés primitives sont en général dignes de créance. Les données relatives à Tukwa’ukwa, Vakuta, etc., sont du même genre.

Ce qui élève cependant la véridicité de ces récits au-dessus de toute suspicion, c’est leur base sociologique. La fuite après une défaite est d’un usage courant chez ces tribus ; et la manière dont les autres villages deviennent des centres d’établissement de gens de rang élevé, c’est-à-dire les mariages entre femmes Tabalu et chefs d’autres villages, est également caractéristique de la vie sociale de nos sauvages. La technique de ce procédé est d’une importance considérable et mérite d’être décrite en détail. Le mariage est patrilocal chez les Trobriandais, c’est-à-dire que les femmes viennent se fixer dans les villages dont leurs maris sont originaires. Au point de vue économique, le mariage comporte un échange constant de denrées alimentaires fournies par la famille de la femme contre des objets précieux fournis par le mari. La nourriture est particulièrement abondante dans les plaines centrales de Kiriwina, gouvernées par les chefs du rang le plus élevé ayant leur résidence à Omarakana. Les précieux ornements en coquillages, convoités par les chefs, sont fabriqués dans les districts côtiers de l’ouest et du sud. Il en résulte qu’au point de vue économique, les femmes de rang élevé ont toujours cherché, et cherchent encore de nos jours, dans des villages tels que Gumilababa, Kavataria, Tukwa’ukwa, Sinaketa et Vakuta, à épouser des chefs influents.

Jusqu’ici tout se passe conformément à la lettre stricte de la loi tribale. Mais une femme Tabalu, établie dans le village de son mari, ne tarde pas à éclipser ce dernier par son rang et souvent par son influence. Si elle a un fils ou des fils, ils restent, jusqu’à leur puberté, membres légaux de la communauté de leur père. Il y sont même considérés comme les mâles les plus importants. Étant donné le régime en vigueur aux îles Tro-