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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/130

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les mythes, du nord au sud et généralement, bien que d’une façon moins uniforme, de l’ouest à l’est. C’est la direction qui prévaut dans le grand cycle des histoires Tudava et dans la plupart des légendes Kula et que nous retrouvons dans les mythes relatifs aux migrations. On peut donc admettre, non sans apparence de raison, qu’une influence culturelle, dont on peut suivre le point de départ jusqu’à l’île Woodlark, à l’est, et à l’archipel d’Entrecasteaux, au sud, s’est étendue à notre archipel à partir de ses rives nord-ouest. Cette hypothèse trouve sa justification dans certains conflits dont parlent quelques mythes : le conflit entre le chien et le porc, celui entre Tudava et Dokonikan, celui entre le frère cannibale et le frère non cannibale. Si l’on accepte cette hypothèse pour ce qu’elle vaut, on obtient le schéma suivant. La couche la plus ancienne est représentée par les clans Lukwasisiga et Lukulabuta. Celui-ci aurait, d’après le mythe, émergé le premier, mais les deux sont relativement autochtones, en ce sens qu’ils ne sont pas des clans de marins, que leurs communautés sont situées dans l’intérieur et qu’ils ont pour principale occupation l’agriculture. L’attitude généralement hostile du principal sous-clan Lukwasisiga, Toliwaga, à l’égard de ceux qu’on peut certainement considérer comme les derniers immigrés, c’est-à-dire à l’égard des Tabalu, cadre également avec l’hypothèse que nous adoptons. Il est également probable que le monstre cannibale contre lequel Tudava, le héros innovateur et culturel, eut à combattre, faisait partie du clan Lukwasisiga.

C’est à dessein que j’insiste sur le fait que ce sont les sous-clans, et non les clans, qui doivent être considérés comme des unités de migration. Il est en effet évident que le grand clan, qui se compose d’un grand nombre de sous-clans, ne forme qu’une unité sociale lâche, que de profondes divergences culturelles tendent à dissocier. Le clan Malasi, par exemple, comprend aussi bien le clan le plus élevé, celui des Tabalu, que les clans les plus méprisés, tels que Wabu’a et Gumsosopa, de Bwoytalu. C’est encore à l’aide de l’hypothèse historique des unités migratrices qu’on pourra expliquer les rapports entre les sous-clans et le clan. À mon avis, les sous-clans les moins élevés seraient arrivés les premiers et j’estime que leur assimi-