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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/135

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incidences du sort inexorable échu aux hommes d’aujourd’hui, car la vieillesse, la déchéance physique et la débilité n’ont, aux yeux des indigènes, aucun rapport avec la mort. Pour bien comprendre tout le cycle de leurs croyances, il est nécessaire de connaître les facteurs de la maladie, de la déchéance et de la mort. L’indigène trobriandais garde une attitude franchement optimiste à l’égard de la santé et de la maladie. La force, la vigueur et l’intégrité corporelle constituent, à ses yeux, un état normal qui ne peut être affecté ou bouleversé que par un accident ou une cause surnaturelle. De petits accidents tels que fatigue, coup de soleil, indigestion ou refroidissement ne peuvent occasionner que des troubles peu graves et temporaires. Un coup de lance reçu au cours d’une bataille, le poison, la chute du haut d’un rocher ou d’un arbre peuvent mutiler ou tuer un homme. Quant à savoir si ces accidents et d’autres, tels que la noyade, l’attaque par un crocodile ou un requin, sont tout à fait exempts de sorcellerie, c’est là une question qui, pour les indigènes, reste toujours ouverte. Mais ce qui leur paraît tout à fait certain, c’est que toutes les maladies sérieuses, et surtout fatales, sont provoquées par la sorcellerie sous toutes ses formes. La plus courante est la sorcellerie ordinaire, pratiquée par des magiciens qui sont capables de produire, par leurs incantations et leurs rites, à peu près toutes les maladies enregistrées par la pathologie, à l’exception des maladies foudroyantes et épidémiques.

La source de la sorcellerie est toujours rattachée à quelque influence venue du sud. On prétend que la sorcellerie a pris naissance en deux points de l’archipel trobriandais ou, plutôt, qu’elle a fait sa première apparition en ces points où elle aurait été importée de l’archipel d’Entrecasteaux. Un de ces points est la grotte de Lawaywo, qui se trouve entre les villages Ba’u et Bwaytalu, l’autre étant l’île méridionale Vakuta. Ces deux districts sont toujours considérés comme les plus redoutables centres de sorcellerie.

Le district Bwoytalu occupe dans l’île une situation sociale tout à fait basse, étant habité par les meilleurs sculpteurs sur bois, les plus experts tresseurs de fibres, les uns et les autres étant mangeurs d’abominations telles que le stingaree et le porc de la brousse. Ces indigènes ont pratiqué pendant longtemps