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qu’alors que sa base restait à l’île Normanby, son tronc et ses branches étaient étendus à la surface de la mer, tandis que son sommet touchait Vakuta. C’est pourquoi la sorcellerie est, dans l’archipel du Sud, le plus souvent rampante ; la mer qu’occupe le milieu de l’arbre, est pleine de poissons qui vivent dans ses branches ; et c’est de la plage méridionale de Vakuta que la sorcellerie parvint aux îles Trobriand, car le sommet de l’arbre renfermait trois êtres malfaisants, deux mâles et une femme, qui apprirent un peu de magie aux habitants de l’île.

Ces histoires mythologiques ne nous font connaître qu’un des anneaux de la chaîne de croyances qui encercle la destinée finale des êtres humains. Il n’est possible de comprendre les incidents mythiques et se rendre compte de leur importance qu’en les rattachant à l’ensemble des croyances relatives à la puissance et à la nature de la sorcellerie, ainsi qu’aux sentiments et appréhensions que celle-ci fait naître. Les histoires explicites qui racontent l’apparition de la sorcellerie sont loin de donner une énumération complète ou une explication suffisante de tous les dangers surnaturels. Les maladies rapides et soudaines sont provoquées, d’après la croyance des indigènes, non par des sorciers mâles, mais par des sorcières volantes qui agissent différemment et sont d’une essence beaucoup plus surnaturelle. Il m’a été impossible de mettre la main sur un mythe relatif à cette variété de sorcellerie. D’autre part, le caractère et la manière de procéder de ces sorcières font l’objet d’un cycle de croyances qui forment ce qu’on peut appeler un mythe permanent et courant. J’ai exposé ces croyances dans Argonauts of the Western Pacific[1] et n’y reviendrai pas ici. Mais il importe d’insister sur le fait que l’auréole de surnaturel qui entoure les femmes qu’on croit être sorcières engendre un flot continu d’histoires, qu’on peut considérer comme des mythes « mineurs », ayant leurs origines dans la forte croyance aux pouvoirs surnaturels. On raconte aussi des histoires analogues au sujet des sorciers-hommes, les bwaga’u.

Les épidémies, enfin, sont attribuées à l’action directe d’esprits malfaisants, appelés tauva’u, qui, ainsi que nous l’avons vu,

  1. Chap. X, passim, et plus particulièrement pp. 236-248 ; voir également pp. 320, 321, 393.