Aller au contenu

Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dispositions pour mon approvisionnement et passer en revue mes futurs informateurs. Ainsi qu’il arrive toujours, il ne me fut pas difficile de trouver des gens prêts à causer dès les premiers jours. Je laissai donc l’homme, convaincu que c’est lui qui prendrait l’initiative de m’aborder. Je n’eus pas à attendre longtemps, car au bout de deux ou trois jours, il vint rejoindre le groupe de mes assistants, se livra à quelques plaisanteries, alla même jusqu’à me donner quelques renseignements généraux, sans entrer encore dans les détails de sa spécialité. J’ai toujours estimé qu’il était préférable de ne pas questionner directement un homme sur tel ou tel sujet donné, mais d’attendre qu’un incident l’amène à parler de ce qui m’intéressait.

II

Un soir, pendant que j’étais assis avec Tomwaya Lakwabulo et quelques indigènes devant la maison de celui-ci, un groupe de garçons du village entonna un de ces chants que, dans certaines occasions, ils chantent jusqu’à une heure très avancée de la nuit. Quelqu’un des assistants fit alors cette remarque :

« C’est un chant que Tomwaya Lakwabulo a rapporté de Tuma. »

Un autre dit :

« Ce sont les esprits, qui le lui ont donné. Les esprits de ses parents. Il est d’usage, lorsqu’un homme va à Tuma, que les esprits lui donnent une danse. Il les regarde exécuter la danse ; ils lui montrent. Il danse avec eux. Peu à peu il se réveille et revient dans son village. Il nous montre la danse[1]. »

« Lorsque arrive la saison Milamala (la saison des visites des esprits), nous exécutons cette danse. Les esprits s’en réjouissent. Ils regardent, et cela leur fait plaisir. Ils nous donnent cette année-là de bonnes récoltes. »

  1. Les conversations que je reproduis ici sont empruntées à mes notes prises sur place ; la plupart ont été enregistrées dans le langage vernaculaire et direct. Comme j’attachais une grande importance à ce que me disait le grand visionnaire, j’ai transcrit la plupart de ces informations verbatim.