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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/17

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d’un appareil social destiné à faciliter l’exercice de l’autorité, de même qu’il rend possible le fonctionnement harmonieux de la propriété communale et le fonctionnement paisible du système communiste de relations sexuelles » (Social Organization, p. 169).

Ici encore on nous assure que des méthodes « intuitives », « inconscientes », une « soumission instinctive » et un mystérieux « sentiment de groupe » concourent à faire régner l’ordre, la loi, le communisme, la promiscuité sexuelle. On croirait lire la description d’un paradis bolchevik, mais cette description ne s’applique certainement pas aux sociétés mélanésiennes que je connais de première main.

Une idée analogue est exprimée par un troisième auteur, un sociologue, qui, plus peut-être qu’aucun autre anthropologiste vivant, nous a aidés à comprendre l’organisation des sauvages, en l’étudiant au point de vue de l’évolution mentale et sociale. En parlant des tribus situées à un niveau culturel très bas, le professeur Hobhouse affirme que « ces sociétés possèdent certes des coutumes qui sont ressenties comme obligatoires par tous les membres ; mais si l’on entend par législation un ensemble de règles imposées par une autorité à laquelle on n’est pas rattaché par les liens personnels de la parenté ou de l’amitié, nous sommes obligés de déclarer qu’une telle institution n’est pas compatible avec l’organisation sociale des sauvages » (Morals in Évolution, p. 73). Nous nous demandons si les mots « ressenties comme obligatoires », qui figurent dans ce passage, ne servent pas à masquer et à dissimuler le véritable problème, au lieu de le résoudre. N’existe-t-il pas, du moins en ce qui concerne certaines règles, un mécanisme de contrainte, celle-ci n’étant peut-être pas imposée par une autorité extérieure, mais s’appuyant sur des motifs et des intérêts réels et sur des sentiments complexes ? Des prohibitions sévères, des devoirs onéreux, des engagements pénibles et irritants peuvent-ils être rendus obligatoires à la faveur d’un simple « sentiment » ? Nous voudrions être un peu mieux renseignés sur cette inappréciable attitude mentale, mais l’auteur la postule comme un fait établi. En outre, la brève définition de la loi comme d’un « ensemble de règles imposées par une autorité