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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/20

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Nous aborderons les faits avec une conception très élastique et très large du problème qui nous intéresse. En nous occupant de la « loi » et des forces juridiques, nous nous attacherons tout simplement à rechercher les règles qui sont conçues comme étant des obligations liantes et auxquelles on se conforme en conséquence, à dégager la nature de ces obligations et à classer les règles d’après la manière dont on assure leur efficacité et leur validité. On verra qu’un examen inductif des faits, conduit sans idée préconçue et sans définition anticipée, permet d’arriver à une classification satisfaisante des normes et des règles d’une société primitive, à une claire distinction entre la loi primitive et d’autres formes de la coutume, à une conception nouvelle et dynamique de l’organisation sociale des sauvages. Et comme les faits cités dans cet ouvrage ont été recueillis en Mélanésie, pays classique du « communisme » et de la « promiscuité », du « sentiment de groupe », de la « solidarité de clan » et de l’ « obéissance spontanée », les conclusions auxquelles nous arriverons, sans faire usage d’aucun de ces clichés, présenteront un intérêt tout spécial.

II

L’économie mélanésienne et la théorie du communisme primitif

L’archipel Trobriand, habité par la communauté mélanésienne qui nous intéresse, est situé au nord-est de la Nouvelle-Guinée et se compose d’un groupe d’îles de corail plates, entourant une vaste lagune. Les plaines du pays ont un sol fertile et la lagune abonde en poissons, et les unes et l’autre offrent aux habitants des moyens de communication faciles. Grâce à cela, les îles supportent une population dense, dont l’agriculture et la pêche sont les principales occupations, mais qui est experte également dans différents arts et métiers et s’entend fort bien dans tout ce qui concerne le commerce et les échanges.

Comme tous les habitants d’îles de corail, ils passent une grande partie de leur temps sur la lagune centrale. Par une journée de temps calme, elle est sillonnée de canoés transpor-