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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/26

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primitive ne saurait exister. Une organisation dualiste peut apparaître très nettement dans la division d’une tribu en deux « moitiés » ou être à peu près complètement oblitérée ; mais je ne crains pas de dire que toutes les fois qu’on se donne la peine d’examiner les choses attentivement, on ne manque pas de constater que la symétrie de structure constitue la base indispensable de toute société sauvage.

Le mode sociologique qui préside aux relations de réciprocité est fait pour les rendre plus strictes. Entre deux communautés les échanges ne se font pas au hasard et il ne s’agit pas de transactions commerciales occasionnelles entre deux individus quelconques. Au contraire, chaque homme a son partenaire attitré avec lequel il se livre à des échanges d’une façon régulière, à l’exclusion de tous les autres. Ces deux hommes sont souvent parents par alliance ou bien des amis jurés, ou encore ils font partie tous deux de l’important système d’échanges cérémoniels, appelé kula. D’autre part, au sein de chaque communauté les couples de partenaires sont divisés en sous-clans totémiques. C’est ainsi qu’à la faveur des échanges s’établit un système de liens sociologiques, de nature économique, souvent combiné avec d’autres liens qui rattachent les uns aux autres individus, groupes, villages, districts.

En jetant un coup d’œil d’ensemble sur les relations et les transactions que nous avons décrites, on constate sans peine que le principe de réciprocité se trouve à la base de chaque règle. Chaque acte comporte un dualisme sociologique : deux parties échangent des services et des fonctions, chacune veillant à ce que l’autre s’acquitte de ses obligations dans une mesure aussi complète que possible et avec la plus grande loyauté possible. Le maître du canoé, dont les intérêts et les ambitions se groupent autour de son embarcation, veille à ce que l’ordre règne dans les transactions internes entre les membres de l’équipage qu’il représente dans toutes les circonstances extérieures. Chaque membre de l’équipage est lié à lui pendant toute la durée de la construction, et même après, lorsqu’une coopération est nécessaire. Et, réciproquement, le maître doit verser à chaque homme la rémunération cérémonielle lors de la fête par laquelle se termine la construction ; à aucun de ces hommes il ne peut