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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/35

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biens et de services a lieu le plus souvent entre des partenaires qui sont pour ainsi dire attitrés l’un à l’égard de l’autre, ou bien il est conditionné par certains liens sociaux ou encore il constitue le corollaire d’une réciprocité dans des transactions non économiques. On constate que la plupart des actes économiques, sinon tous, font partie de quelque chaîne de présents et de contre-présents qui, à la longue, finissent par se compenser au point de vue de l’équivalence, de façon à satisfaire également les deux parties.

Dans un article intitulé : The primitive Economics of the Trobriand Islanders (« Economic Journal », 1921) et dans mon ouvrage Argonauts of the Pacific (1923), j’ai déjà décrit les conditions économiques existant dans la Mélanésie du nord-ouest. Le chapitre VI de ce dernier ouvrage est consacré à la discussion des questions dont nous nous occupons ici, c’est-à-dire celles qui se rattachent aux formes des échanges économiques. Comme mes idées sur la législation primitive n’étaient pas encore suffisamment mûres à l’époque où j’écrivais cet ouvrage, je me suis borné à y citer des faits sans les rapporter à la thèse que je défends ici, ce qui les rend d’autant plus éloquents. En décrivant cependant une catégorie de présents sous le titre de « Dons purs » et en rangeant dans cette catégorie les dons faits par le mari à la femme et par le père aux enfants, j’avais commis une erreur, celle dont j’ai parlé plus haut et qui consiste à détacher tel ou tel acte de son contexte, à ne pas tenir suffisamment compte de toute la chaîne des transactions. Le même paragraphe contient d’ailleurs une rectification implicite de mon erreur puisque j’ajoute : « un don fait par le père à son fils est considéré (par les indigènes) comme une rémunération des rapports qu’en sa qualité de mari il a avec la mère » (p. 179). J’ai également montré que les « dons libres » faits à la femme reposent sur la même idée. Mais pour présenter les conditions d’une manière vraiment correcte, tant au point de vue juridique qu’économique, il faut tenir compte de tout l’ensemble de dons, de devoirs et de bénéfices réciproques qui s’échangent entre le mari, d’une part, la femme, les enfants et le frère de la femme, de l’autre. On constate alors que, dans l’esprit des indigènes, le système repose sur un très