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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/37

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tion publique, en vertu de laquelle le magicien qui a généralement hérité de ses fonctions doit officier pour le compte du groupe tout entier. Tel est le cas de la magie des jardins, de celle de la pêche, de la guerre, du beau et du mauvais temps, de la construction de canoés. Toutes les fois que se présente la nécessité, à la saison voulue ou dans certaines autres circonstances, il est tenu d’accomplir sa magie, de veiller au respect des tabous, et parfois de contrôler toute l’entreprise. Pour ces services il est payé par de petits dons, offerts immédiatement et incorporés dans les pratiques rituelles. Mais sa véritable récompense est dans le prestige, la puissance et les privilèges que lui confère sa position sociale[1]. Dans les cas de petite magie ou de magie occasionnelle, de celle qui est en rapport avec les charmes d’amour, les rites curatifs, la sorcellerie, dans la magie du mal des dents et dans celle qui est censée assurer la bonne santé des porcs, bref dans toutes les magies pratiquées pour le compte de particuliers, le magicien reçoit une rétribution substantielle et les rapports entre le client et le professionnel reposent sur un contrat établi par la coutume. En ce qui concerne le sujet qui nous intéresse ici, nous devons enregistrer le fait que c’est pour le magicien une obligation que d’accomplir tous les actes de magie communale, cette obligation faisant partie du statut du magicien communal, dont la charge est héréditaire le plus souvent et comporte toujours puissance et privilèges. Un homme peut renoncer à sa position et la transmettre à son plus proche successeur, mais dès l’instant où il a accepté la charge et aussi longtemps qu’il la détient, il est tenu de s’acquitter des devoirs qui y sont liés, de même que la communauté est tenue de s’acquitter envers lui de ce qu’elle lui doit.

Quant aux actes qu’on considère généralement comme religieux, plutôt que magiques, cérémonies accompagnant les naissances et les mariages, rites funéraires et de deuil, cultes des

  1. On trouvera d’autres détails relatifs au statut social et légal du magicien héréditaire dans Magic, chap. XVII de notre ouvrage : Argonauts of the Western Pacific. On y trouvera également la description des magies des canoés, de la navigation et du kaloma, ainsi que de multiples références à ces sujets. Voir également le bref exposé de la magie des jardins, dans Primitive Economics (« Economic Journal », 1921), de la magie de la guerre dans Man, 1920 (article no 5) et de la magie de la pêche dans Man, 1918 (article no 53).