Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/42

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règles de l’art, de la médecine, de l’organisation sociale, de l’industrie,  etc., se trouveraient, dans les sociétés primitives, dans un état de mélange inextricable, formeraient un bloc indivisible, et cela non seulement dans la réalité extérieure de la vie sociale, mais aussi dans l’esprit des indigènes. Il insiste sur cette manière de voir en de nombreuses occasions : « … Chez le sauvage, la perception des ressemblances diffère considérablement de la nôtre. Il voit des ressemblances entre des objets qui, à nos yeux, n’ont absolument rien de commun » (l. c., p. 139). « Pour le sauvage… la politique d’une tribu est une et indivisible… Ils (les sauvages) ne voient rien de grotesque ou d’incongru dans le fait de la promulgation, au nom de Dieu, d’un code où des prescriptions d’ordre rituel, moral, agricole et médical figurent à côté de ce que nous considérons comme des prescriptions purement juridiques… Nous faisons une séparation entre la religion et la magie, entre la magie et la médecine : les membres de la communauté, eux, ignorent ces distinctions » (pp. 213, 214).

Dans les passages que nous venons de citer, M. Sidney Hartland ne fait qu’exprimer d’une façon claire et modérée les opinions courantes sur la « mentalité prélogique primitive », sur les « catégories confuses des sauvages » et sur le caractère amorphe de la culture primitive en général. Ces opinions, cependant, ne correspondent qu’à la moitié de la vérité et sont tout à fait inexactes en ce qui concerne la loi. Les sauvages possèdent un ensemble de règles obligatoires, dépourvues de tout caractère mystique, qui ne sont ni promulguées au nom de Dieu ni pourvues d’une sanction surnaturelle, mais constituent de simples obligations sociales.

Si l’on considère la somme totale des règles, des conventions, des modèles de conduite comme formant un corps de coutumes, il est incontestable que les indigènes éprouvent un profond respect pour chacune d’elles, qu’ils ont tendance à faire ce que font les autres, ce qui est approuvé par chacun et, lorsqu’ils ne sont pas attirés dans une autre direction par leurs appétits ou leurs intérêts, ils suivront les commandements de la coutume plus facilement et plus volontiers que toute autre impulsion. La force de l’habitude, le respect des comman-