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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/67

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Lorsqu’on découvre des signes qui ressemblent à des bijoux, à des ornements de danse ou qui permettent de supposer que le défunt avait l’habitude de se farder le visage, ou lorsque les mains du cadavre tremblent comme celles du maître-danseur maniant le kaydebu (bouclier de danse) ou le bisila (paquet de feuilles de pandanus), on en conclut que ce fut à cause de sa beauté personnelle ou des exploits qui valent à un homme les faveurs des femmes que ce don Juan tomba victime de la sorcellerie. La présence sur le cadavre de taches rouges, noires ou blanches, de dessins rappelant le plan d’une maison ou d’un dépôt de provisions d’un homme noble, de boursouflures suggérant la ressemblance avec les poutres d’une maison à ignames, signifient que le défunt avait mis trop d’ambition à décorer sa hutte ou sa maison à ignames, ce qui lui avait valu le ressentiment du chef. Des tumeurs en forme de tare ou le fait que le défunt avait été, de son vivant, trop friand de ce légume indiquent qu’il avait des jardins de taro trop beaux ou qu’il ne versait pas au chef une part assez importante de ses produits. Les bananes, les noix de coco, le sucre de canne produisent sur le cadavre, mutatis mutandis, les mêmes effets, alors que les noix de bétel colorent en rouge la bouche du défunt. Trouve-t-on de l’écume sur les lèvres du cadavre ? Cela signifie que le défunt aimait trop la bonne chère, était trop gourmand. Une peau lâche, s’écaillant aux plis, est signe que le défunt avait trop abusé de la viande de porc ou s’était occupé indûment de l’élevage de porcs, qui est un monopole du chef pouvant seulement être délégué par celui-ci à des hommes de moindre importance. Le chef éprouve également du ressentiment contre un homme qui ne s’est pas conformé au cérémonial et ne s’est pas incliné devant lui ; aussi n’est-il pas rare de trouver le cadavre d’un tel homme plié en deux dans sa tombe. Des filets de liquide purulent coulant des narines du cadavre correspondent toujours, d’après le code post-mortem, à des colliers en coquillages précieux et signifient que le défunt avait eu trop de succès dans le commerce kula. Il en est de même lorsque le cadavre porte des tuméfactions aux bras, à la différence près que ces tuméfactions correspondent, non à des colliers, mais à des bracelets en coquillages (mwali). Enfin, un homme tué parce qu’il était sorcier lui-même, produit, en plus de l’esprit normal