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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/81

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l’exécution journalière des neuf dixièmes des travaux et des fonctions, il sera associé à son père.

L’usage de garder le fils après la puberté, souvent après son mariage, est une institution régulière, à la condition de se conformer à certaines règles strictes et à des procédés précis. Il faut d’abord avancer le prétexte que le fils reste, afin de pouvoir remplir la maison aux ignames paternelle, charge dont il s’acquitte au nom de l’oncle maternel et en qualité de son successeur. Lorsqu’il s’agit d’un chef, on estime généralement que certaines charges ne peuvent être convenablement remplies que par son propre fils, et lorsque celui-ci se marie, il se bâtit une maison à côté de la demeure du père, et sur le terrain de ce dernier.

Comme il faut vivre et manger, le fils est obligé de faire des jardins et de se livrer à d’autres occupations. Le père lui cède quelques baleko (lots de jardins) de ses propres terres, lui donne place dans son canoé, lui obtient un droit de pêche (la chasse n’est pas une occupation bien importante aux îles Trobriand), lui fournit des outils, des filets, bref tous les instruments de pêche. Le plus souvent, le père ne se contente pas de cela : il accorde encore à son fils certains privilèges et lui fait cadeau d’objets qu’en strict droit il devrait garder jusqu’au moment de leur transmission à ses héritiers légaux. Il est vrai qu’il accorde aussi de tels privilèges et fait de ces cadeaux à ses héritiers légaux, lorsqu’ils le sollicitent les uns et les autres, en payant ce qu’on appelle un pokala. C’est une transaction à laquelle il ne peut se refuser. Mais alors l’autre partie, en l’espèce le plus jeune frère ou le neveu, doit payer tout ce qu’elle reçoit : terrains, magie, droits de kula, bijoux de famille, « maîtrise » dans les danses et les cérémonies, et cela malgré que tout ce qu’elle achète ainsi lui appartienne de droit, et doive devenir un jour, de toute façon, sa propriété héréditaire. Or, l’usage établi autorise le père à faire à son fils toutes sortes de libéralités, sans aucune contre-partie. On le voit : cet usage admis, mais non légal, ne se contente pas de prendre des libertés avec la loi : ajoutant l’affront au préjudice, il accorde à l’usurpateur des avantages considérables sur le propriétaire légitime.

La plus importante des dispositions à la faveur desquelles une lignée paternelle temporaire s’introduit pour ainsi dire en contre-