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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/82

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bande dans le droit maternel, est représentée par le mariage entre cousins germains. Un Trobriandais ayant un fils a le droit d’exiger de sa sœur qui a une fille en bas âge de fiancer celle-ci à celui-là. De cette façon ses petits-enfants seront de sa propre parenté, et son fils deviendra le beau-frère de l’héritier de la dignité de chef. Ce dernier sera donc obligé de ravitailler en nourriture la maison de son beau-frère, d’assister celui-ci en toutes choses et d’assumer la protection de la famille de sa sœur. C’est ainsi que celui-là même dont les intérêts sont destinés à être lésés par le fils, loin de récriminer contre la situation qui lui est faite, considère sa charge comme un privilège. Le mariage entre cousins est une institution qui assure à un homme le droit de résider, à la faveur d’un mariage matrilocal exceptionnel, dans la communauté de son père sa vie durant et d’y jouir d’à peu près tous les droits de citoyen.

C’est ainsi qu’un certain nombre d’usages établis, sanctionnés par la tradition et considérés par la communauté comme tout à fait naturels, cristallisent autour du sentiment de l’amour paternel. Mais ces usages sont en opposition avec la loi stricte et impliquent le recours à des procédés exceptionnels et anormaux, tels que des mariages matrilocaux. Lorsqu’ils soulèvent des protestations et une opposition explicites au nom de la loi, on doit y renoncer. On connaît des cas où le fils, bien que marié à la nièce de son père, a été obligé de quitter la communauté. Et il arrive souvent que les héritiers légitimes se mettent en travers de la générosité illégale de leur oncle, en achetant moyennant le pokala ce qu’il était disposé à donner à son fils. Mais toute opposition de ce genre est ressentie comme un outrage par l’homme au pouvoir, provoque des hostilités et des frictions, si bien qu’on n’y a recours que dans les cas extrêmes.

IV

Les facteurs de cohésion sociale dans une tribu primitive

En examinant le manque de continuité qui existe entre le droit maternel et l’amour paternel, nous avons concentré toute notre