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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/83

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attention sur les rapports entre un homme, d’une part, son fils et son neveu, de l’autre. Mais le problème est également celui de l’unité du clan, car le groupe formé par l’homme au pouvoir (chef, notable, chef de village, sorcier) et son héritier constitue le noyau véritable du clan de lignée maternelle. L’unité, l’homogénéité et la solidarité du clan sont en fonction de celles du noyau, et dès l’instant où celui-ci se trouve dissocié, où il existe, même à l’état normal, des tensions et des antagonismes entre les deux hommes, le clan cesse, lui aussi, d’être une unité parfaitement cohérente. Mais le « dogme du clan » ou, pour nous servir du terme plus approprié du Dr Lowie, le « dogme de la parenté », n’est pas tout à fait dénué de fondement et, bien que nous ayons pu découvrir des fissures dans ce qui constitue le noyau du clan et montrer qu’il n’est pas homogène en ce qui concerne l’exogamie, il ne sera peut-être pas inutile d’examiner de plus près ce qu’il peut y avoir de vrai dans l’affirmation de l’unité du clan.

Disons tout de suite que, sur ce point encore, l’anthropologie a pris à la lettre la doctrine orthodoxe des indigènes ou, plutôt, leur fiction légale et a commis l’erreur de prendre ce qui n’est qu’un idéal légal pour l’expression des réalités sociologiques de la vie tribale. L’attitude de la loi indigène en cette matière est logique et claire. Ayant admis que le droit maternel est le seul et unique principe de parenté et l’ayant poussé à ses dernières conséquences, l’indigène a divisé tous les êtres humains en deux catégories : ceux auxquels il se rattache par des liens de lignée maternelle et qu’il appelle parents (veyola) et ceux auxquels ne le rattache aucun lien de ce genre et qu’il appelle étrangers (tomakawa). Cette doctrine est associée au « principe de parenté classificatoire », qui joue bien un grand rôle dans le vocabulaire, mais n’exerce qu’une influence très restreinte sur les rapports légaux. De plus, le droit maternel et le principe classificatoire sont complétés par le système totémique, en vertu duquel tous les êtres humains sont divisés en quatre clans, subdivisés à leur tour en un certain nombre, peu fixe, de sous-clans. Un homme ou une femme est un ou une Malasi, Lubuka, Lukwasisiga, ou Lukulabuta, appartient à tel ou tel sous-clan, et cette identité totémique est aussi fixe et définie que le sexe, la couleur de la peau ou le volume du corps. Elle ne disparaît pas avec la mort, l’esprit