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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/87

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porte pas une grave atteinte aux droits de leur propriétaire. Dans les deux cas, le voleur ne réussit qu’à se couvrir de honte et de ridicule et, en fait, tous les cas de vol parvenus à ma connaissance ont eu pour auteurs des faibles d’esprit, des gens vivant au ban de la société ou des mineurs. Priver un blanc de ses objets superflus, tels que marchandises destinées au commerce, conserves ou tabac, qu’il tient enfermés comme un avare, sans s’en servir, est un acte à part, nullement considéré comme une violation de la loi, de la morale ou des bonnes convenances.

Le meurtre est un fait extrêmement rare. En fait, en dehors du cas que j’ai relaté plus haut, un seul s’était produit au cours de mon séjour : un sorcier a été transpercé d’une lance, une nuit, alors qu’il s’approchait furtivement du village. Cet acte fut commis pour la défense d’un homme malade, victime de ce sorcier, par l’un des gardes armés qui veillent pendant la nuit en de telles occasions.

On m’a cité des cas de meurtre commis sur des gens surpris en flagrant délit d’adultère ou pour des insultes à des personnes de rang élevé ou au cours de querelles et de bagarres, sans parler de meurtres au cours de guerres régulières. Toutes les fois que quelqu’un est tué par un homme faisant partie d’un autre sous-clan, le talion est obligatoire. Théoriquement, cette obligation est absolue, mais, dans la pratique, elle n’est valable que dans le cas de meurtre d’un adulte d’importance ou de rang élevé. Et, même alors, la vengeance est considérée comme superflue, si la victime a mérité son sort par la faute qu’elle avait commise. Dans d’autres cas, lorsque c’est l’honneur du sous-clan qui est engagé, on trouve le moyen d’échapper à la vendetta, en la remplaçant par la « monnaie de sang » (lula). C’était là une institution régulière qui fonctionnait lors de la conclusion de la paix après une guerre : les belligérants s’accordaient des compensations pour chaque homme tué ou blessé. Mais même en cas de meurtre ou d’homicide, la lula dispense les survivants du devoir du talion.

Et ceci nous ramène au problème de l’unité du clan. Tous les faits que nous avons cités plus haut montrent que l’unité du clan n’est ni un conte inventé par les anthropologistes ni le seul et unique principe réel de la législation primitive ou la clef permettant de résoudre toutes les énigmes et toutes les difficultés qu’elle