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LA BOURDONNAIS

reconnut que les ennuis auxquels il était sans cesse en butte n’étaient pas compensés par les jouissances ou les avantages de son commandement. Il s’en démit donc et retourna en France en 1733, s’y maria et fut désigné, en 1735, pour succéder à Dumas comme Gouverneur des îles de France et de Bourbon.

Pour être à même d’apprécier tout ce qu’il accomplit dans son nouvel emploi, il faut bien se rappeler ce qu’avaient été ces îles pour les Français depuis leur occupation. Nous avons donné dans notre premier chapitre une esquisse rapide de cette histoire depuis leur découverte par les Portugais jusqu’au moment de l’occupation de Bourbon par une petite troupe de colons repoussés de Madagascar en 1672, et de l’établissement formé à l’Île de France, entre 1710 et 1719. Il est probable que le reste de ces colons de Madagascar ayant peu de goût pour le travail en lui-même auraient volontiers saisi la première occasion favorable pour quitter une île où ils paraissaient devoir être privés de tout rapport avec le monde extérieur. Mais ils s’étaient échappés pêle-mêle, hommes et femmes, ces dernières indigènes, dans deux canots, et ils n’avaient aucun moyen de se diriger plus loin. Ils furent donc contraints de se construire des huttes et de se livrer à la culture du sol pour pourvoir à leur subsistance. Heureusement le sol était de nature à ne requérir que peu de travail, pour les mettre en état de vivre dans le confort et l’abondance. Bientôt leur nombre s’accrut par le naufrage d’un pirate à bord duquel se trouvaient de nombreuses prisonnières. Petit à petit, il s’augmenta encore de quelques matelots déserteurs des navires de l’Inde qui y relâchaient[1]. Ceux-ci y étaient retenus par l’appât de la vie facile que la fertilité du sol offrait aux habitants. La prospérité de l’île grandit avec une rapidité hors de proportion avec les éléments dont elle était peuplée. Les maisons s’élevèrent, de petits navires de commerce furent construits, la plupart pour faire le métier de pirates ; on acheta des esclaves

  1. Il est établi que ce ne furent pas là les seuls éléments dont se forma la population de Bourbon ; elle dut se recruter encore parmi les pirates anglais qui vinrent avec Avery, England, Condon et Patterson, et qui, après avoir amassé des richesses considérables dans la Mer Rouge et sur les côtes d’Arabie et de Perse, quittèrent leur genre de vie, s’établirent dans l’île et obtinrent leur pardon du Roi de France. Quelques-uns vivaient encore en 1763 et leurs descendants sont nombreux dans l’île.

    (Dalrymple’s Oriental Repertory. Vol. 2.)