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LA BOURDONNAIS GOUVERNEUR ; SON ÉNERGIE

décidèrent de donner encore une cliance favorable à la colonie, en nommant pour son Gouverneur un homme qui avait fait preuve de qualités si éminentes.

La Bourdonnais se rendit à Bourbon : il y trouva un sol fertile, un air salubre, une colonisation relativement avancée. Quant à l’Île de France, la majeure partie de son territoire était couverte de forêts impénétrables. Des deux ports qu’elle présentait, un du moins, pouvait, au moyen de quelques travaux, devenir sur et même excellent. Elle jouissait d’un climat doux et sain, et le sol, moins fertile que celui de Bourbon, était cependant susceptible de culture. Aux yeux de La Bourdonnais, l’avantage de posséder un port donnait à l’Île de France une grande supériorité sur Bourdon, et il en fit le siège de son gouvernement.

Mais quel peuple était-il appelé à gouverner ! Avec un caractère moins fortement trempé, La Bourdonnais aurait pu reculer devant la tâche qui lui incombait de tirer parti d’une race à laquelle le moindre travail quelconque semblait être le pire de tous les maux. Presque nus, sans défense, mourant de faim, ayant préféré le dénûment et la misère à la petite somme de labeur qui, dans le climat, aurait amplement pourvu à tous ses besoins, habitant de misérables cabanes, ne possédant aucune énergie, craignant sans cesse pour leur vie, par suite des attaques des Marrons (les libres descendants des esclaves enlevés dans leur enfance, de Madagascar et qui avaient trouvé un refuge dans l’intérieur), n’étant doués que de l’instinct animal de l’existence, ces soi-disant colons étaient encore capables d’organiser une résistance contre toute autorité appelée à les dominer. Mais La Bourdonnais n’était pas homme à se laisser jouer. Il leur prouva par cent exemples qu’il avait résolu de rester le maître. Et cependant, tout en agissant de la sorte, il montra tant de tact et fut si calme dans sa fermeté ; ses mesures furent si sages et les avantages qui en découlaient si évidents aux yeux de tous, que, tout en murmurant, les colons durent reconnaître en lui le plus sage et le plus doux, le meilleur des Gouverneurs, le seul homme qui put les faire renoncer à leurs vieilles habitudes d’indolence et d’oisiveté. Se faisant lui-même agriculteur pour leur enseigner les premiers principes de la culture, ou les méthodes les plus