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ÉLÉVATION DU POUVOIR FRANÇAIS DANS L’INDE

perfectionnées, mécanicien, industriel, pour leur apprendre à se servir des machines ou des métiers dont ils pouvaient tirer parti ; faisant sans cesse ressortir à leurs yeux l’évidente nécessité du travail, il réussit promptement à faire de ces éléments bruts une communauté civilisée. Sous son influence, les uns s’adonnèrent aux plantations, d’autres à des fabrications diverses ; d’autres, enfin, se firent soldats. La Bourdonnais les aidait de diverses manières : il importa des nègres de Madagascar, les employa à la police et en fit des cultivateurs et des artisans. En peu de temps, l’île eut pris un tout autre aspect ; les vastes terrains incultes de l’intérieur avaient changé de face, les misérables huttes parsemées sur la côte avaient disparu ; de tous côtés s’élevaient de solides maisons d’habitation, des magasins, des arsenaux, des barraques, des fortifications, des moulins, des quais, des canaux et des aqueducs. Parmi ces derniers, on en cite particulièrement un, long de trois mille six cents toises, qui fut construit dans le but d’amener l’eau dans le port et les hôpitaux. Mais sa plus grande sollicitude se portait vers la côte. Il y avait, nous l’avons dit, deux ports : l’un au Sud-Est de l’île, ouvert aux vents dominants, l’autre au Nord-Ouest, abrité du vent, mais qui n’avait d’accès que par un étroit passage. La Bourdonnais concentra tous ses soins sur celui-ci et l’eut bientôt mis en état de recevoir des navires de trente-cinq ou quarante tonneaux. Il y adjoignit des bassins à flot, des pontons, des canaux et l’approvisionna de vergues et de bois de construction. Il devint aussi facile de construire ou de réparer des navires au Port-Louis, nom qu’il donna à sa capitale, que dans un port d’Europe. En 1737, c’est-à-dire dix-huit mois après son arrivée, il assista au lancement d’un brigantin. L’année suivante, il construisit deux bons navires et en mit un de cinq cents tonneaux sur le chantier[1]. Mais ce ne fut là qu’une faible partie des travaux qu’il accomplit pendant sa vice-royauté.

  1. Ainsi qu’on pouvait le prévoir, son premier essai en fait de construction navale ne fut pas un succès. On raconte qu’après avoir coûté beaucoup de peine, de temps et d’argent, le bâtiment se trouva si lourd lors du lancement qu’on fut obligé de le remettre à terre pour enlever des pièces de bois qu’on remplaça par de plus légères avant qu’il pût naviguer. Ce vaisseau, l’Insulaire, se perdit en 1746 dans le Gange en allant à Chandernagor après le combat avec le commodore Peylon.