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ÉLÉVATION DU POUVOIR FRANÇAIS DANS L’INDE

repoussa pas ces charges. Influencé dans ce même sens par les Directeurs, il s’occupa sérieusement avec eux de le remplacer. Officieusement informé de ce qui se passait et déterminé à se justifier, La Bourdonnais s’était dans ce but décidé à quitter le théâtre de ses travaux.

Mais si le cardinal Fleury n’avait pas le jugement large, ce n’est pas à dire qu’il fût volontairement injuste. Il accueillit d’abord le grand colonisateur avec une défaveur marquée, mais cette disposition ne persista pas longtemps devant la candeur et la franchise qui caractérisaient l’extérieur de La Bourdonnais aussi bien que ses paroles. La Bourdonnais voulut connaître les accusations portées contre lui, et n’eut pas de peine à justifier sa conduite ; mieux encore^ à convaincre le ministre et les Directeurs de la grande valeur des mesures qu’il avait accomplies. Les imputations auxquelles il avait été en butte tombèrent d’elles-mêmes ; il démontra qu’il n’avait jamais possédé un pouce de terre dans les îles ; qu’il n’avait jamais fait pour une livre de trafic, et que la grande confiance des colons en son impartialité, le rendait l’arbitre deleurs différends dont un seul avait été l’objet d’un appel en justice.

Disculpé de ces accusations, rétabli dans la confiance de ses chefs, La Bourdonnais put de nouveau rendre à son esprit fertile la liberté d’enfanter de nouveaux projets. À cette époque, 1740 à 1741, les hostilités entre la France et l’Angleterre semblaient imminentes. Ces deux puissances avaient embrassé les partis opposés dans la guerre de la succession d’Autriche, et il était évident que les détours du cardinal ne réussiraient pas longtemps à retarder une déclaration de guerre. Dans cet état de choses, La Bourdonnais, prévoyant que celle des deux puissances qui à l’ouverture des hostilités l’emporterait, par la supériorité de ses forces, dans les mers de l’Inde, pourrait écraser sa rivale, sollicita l’autorisation d’équiper et d’armer en guerre six ou huit vaisseaux dont il se proposait de former une escadre qu’il conduirait à l’Île de France pour y attendre les événements. Quand la guerre serait déclarée il intercepterait et capturerait les navires de commerce anglais, puis de là, se rendant aux Indes, il y ruinerait les établissements ennemis.