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LA BOURDONNAIS PART AVEC CINQ VAISSEAUX

Ce plan était non-seulement praticable, mais d’une exécution facile et d’un succès assuré, si, laissant le champ libre à un homme comme La Bourdonnais, on lui en confiait l’exécution. Mais une idée si largement conçue ne pouvait convenir à la politique craintive des Directeurs qui ne manquèrent pas de la repousser au premier abord. Cependant Fleury, malgré la timidité de son caractère, était trop homme d’État pour ne pas comprendre quels immenses avantages cette combinaison pourrait produire. La Bourdonnais était présent au Conseil, et il ne manqua pas de faire remarquer entre autres arguments, que le consentement du cardinal ne donnerait lieu à aucun acte d’hostilité ouverte contre l’Angleterre, et que l’escadre attendrait patiemment au Port-Louis la déclaration de guerre. Fleury, convaincu par ces raisons et d’autres semblables, donna son approbation au projet, sauf quelques modifications dans les détails, et réduisit au silence l’opposition des Directeurs.

Entre autres changements apportés au plan primitif, deux des navires que La Bourdonnais comptait armer en guerre devaient être remplacés par deux vaisseaux de la marine royale. Mais en France, sous Louis XV, les plans étaient rarement exécutés. Quand arriva le temps fixé pour le départ de l’escadre, les deux vaisseaux du Roi, qui pouvaient être si utiles, furent distraits pour quelque mission insignifiante, et La Bourdonnais se trouva réduit au commandement de cinq bâtiments appartenant à la Compagnie. Ceuxci lui auraient encore suffi s’il lui eût été permis de poursuivre son plan jusqu’au bout. L’armement de ses vaisseaux était considérable, ils avaient à bord douze cents marins et cinq cents soldats, mais il y eut bien des difficultés à vaincre pour arriver à tirer parti de ce personnel. Parmi les marins, très-peu avaient vu la mer et les soldats étaient presque étrangers aux exercices militaires. La Bourdonnais dut recourir, pour façonner ces deux classes d’hommes, aux procédés qui lui avaient si bien réussi avec les colons de l’Île de France. Il commença par leur bien faire connaître la nature de leurs devoirs en leur donnant lui-même l’exemple du dévouement à les accomplir. Son incessante occupation pendant la traversée fut ensuite de les exercer aux divers travaux dont ils devaient être chargés plus