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ACCORD DE LA BOURDONNAIS ET DE DUPLEIX

contribuer à ce succès. Il ajoutait : « qu’il s’estimerait heureux d’y avoir contribué par des moyens qui tireraient tout leur mérite de la conduite de La Bourdonnais et des heureux résultats qu’il (Dupleix) désirait vivement. Il espérait que ses assurances passées aussi bien que la présente le convaincraient du jour sous lequel il euvisageait la question. Ne craignez donc pas, mais comptez sur moi comme sur vous[1] » La Bourdonnais avait répondu : « Soyez assuré, écrivait-il de la côte de Malabar, le 21 juin, que ma conduite sera autant que possible guidée par vos conseils. Je brûle d’impatience de nous embrasser et de concerter avec vous les mesures pour réparer nos pertes. » Assurément il ne semble pas qu’il y eût entre ces deux hommes aucun motif de se contrecarrer.

Et cependant l’on vit alors ce qu’on a souvent revu depuis : un exemple de la difficulté extrême qu’éprouvent à se soumettre à une autorité supérieure les hommes d’action, accoutumés à commander, à concevoir, à exécuter les projets qu’ils ont conçus. Ils n’obéiront volontiers qu’à un homme d’un génie incontesté et d’un pouvoir sans contrôle. Ainsi Masséna et Ney, Soult et Suchet, reconnaissaient le génie et le pouvoir combinés dans la personne de Napoléon, et s’y soumettaient. Mais hors de cette influence, Ney s’emportait et murmurait s’il était placé sous les ordres de Masséna ; malgré sa capacité réelle, Suchet refusa, pour ne pas se mettre sous les ordres de Soult, de faire un mouvement qui aurait donné à l’armée française une grande supériorité sur Lord Wellington. Peut-être, à Pondichéry, en 1746, La Bourdonnais, sûr de sa propre capacité, éprouva-t-il une répugnance qu’il ne pût vaincre, à agir sous les ordres d’un homme dont la réputation était surtout celle d’un négociant habile, et dont il n’avait pas eu l’occasion de mettre à Tépreuve le talent diplomatique. Ce qui est certain, c’est que La Bourdonnais n’était à terre que depuis peu, lorsqu’il adopta une ligne de conduite, tout à fait incompatible avec son caractère d’initiative bien connu ; il montra du doute, de l’hésitation, de l’incertitude, refusa de partir pour une expédition, sans

  1. Lettre datée d’avril 1746 et reçue par La Bourdonnais à Mahé.