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PRÉTENTIONS DE LA BOURDONNAIS

guère probable. Personne ne sentait plus vivement que La Bourdonnais qu’il lui était impossible de rester sur cette côte avec quelque chance de sécurité après la seconde semaine d’octobre. Son plan avait été d’envoyer deux ou trois de ses vaisseaux hiverner à Achem, et de faire voile avec les autres munis de cargaisons vers les îles, en route pour la France. Maintes fois Dupleix lui avait démontré que dans ces circonstances Pondichéry courait les plus grands dangers. N’étant plus protégé par une escadre, ayant encouru la colère du nabab, excité la vengeance des Anglais, la capitale française, située comme elle l’était entre les deux forts anglais de Saint-Georges et de Saint-David, ne pouvait être sauvée que par le retour au printemps de La Bourdonnais avec des forces importantes. La rançon de Madras, non pas contre des espèces, mais bien contre des lettres de change non encore acceptées, avec la perspective dans l’avenir que Madras serait bientôt en position ije rançonner Pondichéry ne pouvait paraître, même à La Bourdonnais, une saine politique.

Mais il est un autre jour sous lequel il faut considérer la transaction. Voyons si, quoique cette politique ne fût pas saine pour la France, elle ne l’était pas pour les intérêts personnels de La Bourdonnais. Ici nous rencontrons des révélations qui ne peuvent manquer d’étonner le lecteur. Nous avons vu précédemment que durant cinq jours, du 21 au 25 septembre, des négociations avaient eu lieu entre La Bourdonnais et le Gouverneur Morse quant au montant et aux termes de la rançon. Mais en dehors de la rançon officielle de Madras, il y en avait une autre non moins puissante, celle d’une somme remise en secret à La Bourdonnais. Qu’il ait reçu une somme considérable[1], c’est un fait indubitable, et quoiqu’un

  1. De son vivant La Bourdonnais a été accusé d’avoir accepté des Anglais un don de 100,000 pagodes (environ quatre lakhs de roupies) comme prix du droit qu’il leur accordait de se racheter.

    L’accusation fut portée séparément par M. D’Esprémesnil et M. de Kerjean. Le premier dit qu’il avait entendu M. Dupleix affirmer qu’un Anglais lui avait dit que 100,000 pagodes avaient été données à La Bourdonnais pour cette rançon. Il ajoutait qu’il avait tout fait pour découvrir la vérité, mais qu’il n’avait pu rien apprendre.

    Le second, M. de Kerjean, assurait qu’il avait entendu un Juif retiré à Pondichéry assurer que les Anglais avaient donné à M. de La Bourdonnais 100,000 pagodes en reconnaissance du bon traitement qu’ils avaient reçu de lui, et que lui, le Juif, avait été taxé pour sa part, à la somme de 7,000 pagodes, qu’il n’avait pas encore payées.