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LA BOURDONNAIS ET DUPLEIX

semblable marché s’accordât avec les coutumes de l’Inde dans les premiers temps, il devait, presque dans tous les cas, exercer une grande influence sur la conduite de ceux qui avaient la faiblesse de se laisser ainsi corrompre. Avec la connaissance de ces faits, on s’explique l’opposition faite par La Bourdonnais aux plans, qu’en véritable homme d’État, Dupleix avait conçus. Sachant comme nous le savons maintenant, que des trois partis qu’il avait lui-même soumis à l’appréciation de Dupleix, savoir : l’occupation de Madras par les Français, sa destruction ou sa rançon, ce dernier était le seul qui lui procurât des avantages matériels, tout le mystère qui voilait sa conduite disparaît. Il est dépouillé d’une grande partie de sa gloire, de cette brillante auréole de pur désintéressement dont les historiens ont cherché à l’entourer, mais au moins sa conduite devient plus compréhensible. Nous pouvons maintenant envisager ses actes avec la certitude morale que nous avons sous les yeux, le mobile par lequel tous ont été inspirés.


    La Bourdonnais répondait à cela que les deux hommes de qui émanaient les assertions étaient, l’un le neveu, et l’autre le gendre de Dupleix ; qu’il avait évité la dernière entrevue avec le Gouverneur anglais parce qu’il avait appris que celui-ci avait l’intention de lui offrir un présent ; que s’il avait reçu un tel présent il se serait mis dans l’obligation de le rendre en différant l’évacuation de Madras du mois d’octobre à celui de janvier ; qu’il n’était pas probable qu’il eût été reçu avec tant de distinction à Londres par deux membres du Conseil de Madras s’ils avaient su (et ils n’auraient pu l’ignorer) que la rançon était le résultat de la corruption.

    À cette époque l’affaire fut abandonnée, l’accusation étant considérée comme sans preuves. Elle fut reprise en 1772 par un Anglais, M. Grose, qui écrivit une relation de son voyage et de sa résidence dans les Indes-Orientales ; il s’exprime ainsi : Le Gouverneur et le Conseil réglèrent le prix de la rançon avec le Commodore français (La Bourdonnais) à 1,100,000 pagodes ou 421,666 livres sterling (10,441,650 fr.) outre un présent d’une valeur notable au Commodore qui consentait, à ces conditions, à évacuer sa conquête et à laisser les Anglais en pleine possession de leur présidence. (Grose’s East Indies, vol. II, page 29.)

    Dans le livre intitulé : Mill's India (5e édition, vol. III, pages 37 et 38), nous avons une preuve dans le même sens. Le professeur H. Wilson, affirme que : « Une lettre adressée à un propriétaire, et publiée en 1750 par une personne qui était évidemment employée dans le gouvernement de Madras, rapporte les discussions qui eurent lieu au siège de ce gouvernement à l’égard de bons délivres pour lever de l’argent, jusqu’à concurrence de 100,000 pagodes qui, est-il dit, furent offertes au Commodore français pour prix de sa modération. »

    Mais il existe un preuve beaucoup plus claire et beaucoup plus positive de ce fait. Des papiers déposés actuellement dans India House (Law case, no 31, datés du 3 mars 1752) montrent que les Directeurs de cette époque furent convaincus, par le témoignage des membres du Conseil de Madras, que La Bourdonnais eut la promesse par écrit de 100,000 pagodes (1,000,000 de fr.) en plus des 1,100,000 pagodes stipulées dans le document qui lui a été remis pour l’usage officiel, en considération de ce qu’il rendrait Madras aux Anglais. — Ceci nous paraît concluant.

    L’existence de cette case a été révélée à l’auteur par sir Walter Margan, Chief Justice de la haute cour d’Agra.

    La nature de son contenu a été vérifiée depuis sur les lieux par son ami le professeur Fitz Edward Hall, bibliothécaire d’India House.