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MOTIFS SECRETS DES DEUX RIVAUX

Toutefois nous ne serions pas bien compris du lecteur s’il croyait que nous attribuons à ce seul motif toute l’influence exercée sur La Bourdonnais ; nous admettons au contraire que peut-être il n’eut pas conscience de l’effet qui se produisait en lui, car souvent les grands hommes eux-mêmes subissent à leur insu des influences qui les dominent. Ce dut être plus particulièrement le cas pour un homme qui se rebellait contre l’autorité supérieure aussi violemment que le faisait La Bourdonnais. Déterminé, comme il l’était, à ne pas subordonner sa volonté à celle de Dupleix, il put ne pas apprécier cet empire secret qui cependant agissait si puissamment sur lui. Ce qui nous paraît le plus probable, c’est que ces deux mobiles se combinant, dominèrent tellement son moral qu’il ne se rendit pas compte de l’influence que son intérêt personnel pouvait exercer sur sa conduite et se persuada qu’il n’était guidé que par son devoir. Quoi qu’il en puisse être, nous avons ici à juger l’homme par ses actes, et en considérant ces actes, nous ne pouvons mieux faire que de tirer parti de toutes les circonstances de nature à jeter quelque lumière sur ce qui les produisit. Dans la lutte entre Dupleix et La Bourdonnais, le premier a été impitoyablement condamné, condamné, nous en sommes convaincu, sans une enquête complète et loyale, et sans qu’il lui fût permis de publier pour sa défense les documents officiels. — Toutefois il importe de rechercher si, en outre des mobiles qui leur ont été attribués, il n’en a pas existé d’autres, restés secrets, qui les aient poussés l’un ou l’autre à dépasser leurs pouvoirs. — Pour Dupleix, nous voyons une raison avouée, savoir, la détermination de chasser à tout prix les Anglais de la côte de Coromandel, fondée sur les pouvoirs dont il se croyait possesseur comme Gouverneur général de l’Inde française, mais nous ne trouvons de traces d’aucune autre. Il n’avait aucun intérêt personnel à se refuser au rachat de Madras. Il lui paraissait clair que rendre cette place créait deux dangers, l’attaque par le nabab, et le renouvellement des hostilités de la part des Anglais, contre lesquels Pondichéry serait sans défense. Les causes de sa conduite sont vraiment si simples, si naturelles et si ostensibles que nous cherchons en vain un motif secret et, à plus forte raison, un but d’intérêt personnel.