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MÉCONTENTEMENT DU NABAB

coups aux Anglais. Cependant, quelque fâcheuses que fussent ces conséquences, ce n’était rien auprès de la mauvaise impression que produisirent sur le prince asiatique tous ces retards à l’exécution des conventions. Ce traité n’était-il donc qu’une ruse pour se jouer de lui ?

Le drapeau français flottait depuis plus de cinq semaines sur les remparts du fort Saint-Georges, sans que rien annonçât qu’il dût céder la place à celui du Mogol ; il y avait bien là de quoi justifier les doutes qu’Anwaroudin commençait à manifester. La querelle de Dupleix et de La Bourdonnais pouvait bien n’être qu’une manœuvre artificieuse pour le frustrer de la conquête promise, car peu lui importait que le Gouverneur de Madras s’appelât Dupleix ou La Bourdonnais ; à ses yeux c’était toujours un Français. Son engagement avait été conclu avec le Gouverneur des possessions françaises dans l’Inde, et c’était à ce Gouverneur qu’il en demandait l’exécution.

Cependant, quand il vit les jours succéder aux jours, les semaines aux semaines, et qu’au lieu de Madras il ne reçut que des excuses fondées sur la prétendue insubordination de l’officier français commandant à Madras, le nabab commença à perdre patience. Qu’étaient donc ces Français, demandait-il, ces étrangers qui s’étaient montrés si soumis et si complaisants, et qui, après s’être servis de lui comme d’un instrument pour arriver à leurs fins, osaient maintenant le narguer en face ? Sur quelles forces s’appuyaient-ils donc pour se croire en état de poursuivre leurs ambitieux desseins ? S’ils avaient quelques centaines d’Européens et deux ou trois mille indigènes, il pouvait, lui, leur opposer vingt hommes contre un, et faire appel à toutes les forces de la province du Carnate pour balancer les avantages que leur donnait la possession de quelques ports de la côte. Il apprendrait à ces Européens sans foi à redescendre à leur place, à respecter son pouvoir, et s’ils hésitaient plus longtemps à exécuter leurs engagements, il les y contraindrait par la force des armes. Anwaroudin en était arrivé à cette détermination, longtemps avant que La Bourdonnais eût remis Madras à D’Esprémesnil ; il avait même envoyé un détachement de troupes dans le voisinage pour y attendre l’arrivée du