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PREMIÈRE LUTTE DANS LE CARNATE

corps principal : celui-ci, fort de dix mille hommes et commandé par Maphuz Khan, fils ainé du nabab, vint bientôt camper sous les murs de Madras ; c’était à peu près au moment où La Bourdonnais dit un dernier adieu à cette rade.

Ce fut la première grande difficulté en face de laquelle Dupleix se trouva, après le départ de son rival. Considérons un instant quelle était sa situation présente. Quand il avait promis de livrer Madras au nabab, il était bien résolu à en démolir d’abord les fortifications. La conduite de La Bourdonnais avait mis obstacle à cette démolition, et quand, le 23 octobre, son lieutenant D’Esprémesnil prit le commandement de Madras, il était déjà menacé par Anwaroudin. D’un autre côté, il était gêné par les engagements pris par La Bourdonnais avec les Anglais, et quoiqu’il ne les eût pas ratifiés, il ne se sentait cependant pas complètement libre d’agir. Il se trouvait ainsi entouré de complications capables d’embarrasser un homme ordinaire. Le jugement droit et sûr de Dupleix le guida dans la marche claire et logique qu’il devait adopter. De toutes les circonstances difficiles dont il était entouré, l’attitude menaçante du nabab était la plus fâcheuse : ce fut donc de ce côté que se porta son attention. Personne n’était plus à même que lui d’apprécier toute la délicatesse de la tache qui lui incombait. Il avait promis délivrer Madras, mais le jour où il devenait en son pouvoir de le faire, la présence des troupes du nabab, l’empêchait de procéder à la ruine des fortifications qui, selon lui, devait inévitablement précéder la remise de la place. Si le nabab était déjà irrité par les retards, que serait-ce donc si l’on tentait de démanteler la ville, en tace de son armée ? D’un autre côté, livrer Madras avec toutes ses fortifications, c’était une trahison envers la France, car alors, il serait au pouvoir du nabab de faire ses conditions aux Anglais et de leur revendre cette ville, dont les Français avaient fait la conquête dans le but de les chasser de la côte de Coromandel. Dupleix ne pouvait se résigner à agir ainsi, et avec les dispositions du nabab, toute autre conduite était pleine de périls. Cependant ces dangers possibles lui parurent encore moins formidables que ceux qui résulteraient certainement d’une honteuse soumission aux menaces du nabab. Il résolut donc d’encourir plutôt sa colère, que de re-