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NÉGLIGENCE DU GÉNÉRAL DE BURY

du traité, ils étaient décidés à tout plutôt qu’à se rendre. Pour augmenter la garnison de trois cents hommes dont nous avons parlé, ils avaient pris à leur service mille indigènes qu’on appela Péons, et ce qui était plus important, ils avaient formé une étroite alliance avec le nabab. Il avait été convenu de concert avec lui que, tandis que les Français seraient occupés à attaquer le fort Saint-David et Cuddalore, il saisirait cette occasion pour les surprendre et les mettre entre deux feux.

Il est probable que si les Français avaient été conduits par un général d’une capacité même ordinaire, ce, plan n’aurait pas réussi ; mais de Bury manquait de toutes les qualités que doit posséder un général. En prenant possession du jardin et en permettant à ses troupes de se débander pour la préparation de leur repas, il croyait avoir complètement rempli son rôle. Il n’eut pas même le soin de placer des détachements en observation ni de poser des sentinelles : il n’y avait pas un seul homme chargé de faire le guet ; il ne s’occupa pas des avantages que pouvait donner la position qu’il occupait, mais se livrant avec imprévoyance au repos que réclamait son âge, il agit et laissa agir ses troupes comme si l’on venait d’effectuer une simple course en temps de paix, et en pays ami.

Il ne fut que trop justement puni de sa négligence. Ses soldats étaient dispersés, les armes en faisceaux, quand l’alarme se répandit ; l’ennemi était là, une panique gagna les Français : saisissant la première arme qu’il trouvèrent sous leur main, quelques-uns même à demi vêtus, ils s’élancèrent pour sortir de cette enceinte qu’ils auraient pu aisément défendre même contre toute l’armée du nabab. N’ayant plus qu’une pensée, celle de gagner la rivière et de la traverser, ils prirent tous, et en grand désordre, cette direction : mais l’armée ennemie forte de six mille chevaux et de trois mille fantassins que commandaient les deux fils du nabab, se trouvait en face d’eux. Néanmoins, les Français s’élancèrent étourdiment dans la rivière, n’ayant qu’un but, celui de gagner la rive opposée. Heureusement pour eux, leur artillerie admirablement servie, et qui ne s’était pas laissé entraîner dans le sauve-qui-peut, tint l’ennemi en respect. Son commandant ne se contenta pas de protéger la