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PREMIÈRE LUTTE DANS LE CARNATE

retraite désordonnée de l’infanterie, mais il transporta courageusement ses canons un à un, en face de l’ennemi, et, quand ils furent sur l’autre bord, s’en servit pour tenir les Mogols en échec. Ce ne fut qu’au bout de deux heures que les indigènes se mirent à la poursuite des Français et encore ne le firent-ils que sur les instances de la garnison du fort, arrivée trop tard pour prendre part à l’escarmouche de la rivière Pounar. Leur tardive poursuite n’eut aucun résultat. Les Français étaient depuis longtemps remis de leur frayeur, et l’attitude qu’ils prirent à l’approche des ennemis fit juger aux princes mogols qu’il était plus urgent de penser à leur propre sûreté, que de tenter une attaque. Le général de Bury était de son côté peu porté à exposer son armée à de nouveaux dangers, et aussitôt que les forces réunies des Anglais et des Mogols commencèrent leur mouvement rétrograde vers Cuddalore, il continua à se retirer sur Ariancopan, où il arriva dans la soirée, après avoir perdu, dans cette expédition mal conduite, douze hommes tués et cent vingt blessés. Une petite quantité de mousquets et de munitions abandonnés dans le jardin qu’ils avaient occupé à leur arrivée, tombèrent au pouvoir de l’ennemi. De Bury n’eut d’autre satisfaction que d’avoir sauvé son artillerie, et d’avoir tué ou blessé plus de deux mille ennemis.

Après cette stérile expédition, l’armée française demeura trois semaines au camp ; mais pendant ce temps, Dupleix n’était pas resté dans l’inaction. Dès le début des hostilités, il avait mandé à Dordelin qui, on se le rappelle, commandait l’escadre hivernant à Achem, d’amener promptement quatre vaisseaux sur la côte. Dans l’attente de leur prochaine arrivée, il voulut ouvrir de nouveau les négociations avec le nabab et lui prouver la folie qu’il y aurait à continuer sa protection à un peuple réduit, comme les Anglais, à la dernière extrémité, et, au contraire, l’utilité qu’il y avait à entretenir des relations amicales avec la puissance européenne qui, en Asie comme en Europe, occupait le premier rang parmi les nations. Et afin que l’intérêt personnel contribuât à prédisposer le nabab à prêter une oreille favorable à ses propositions, il donna au commandant de Madras, l’ordre de préparer un simulacre d’attaque contre Arcate.