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PREMIÈRE LUTTE DANS LE CARNATE

tion où ils ne pouvaient plus faire une longue défense, d’où pouvaient-ils espérer le salut ? Si Dupleix avait alors mis en œuvre ce grand principe de la guerre qui doit aussi s’appliquer à la plupart des entreprises humaines : concentrer toutes ses forces sur le point capital, il aurait certainement atteint son but. Entre l’arrivée de Dordelin, le 20 janvier, et la visite de Maphuz Khan à la fin de février, il y avait eu plus de temps qu’il n’en fallait pour mener cette expédition à bonne fin. Quand nous voyons l’inaction prolongée de la flotte et de l’armée, nous ne reconnaissons plus cette habileté pratique et ce fertile génie qui caractérisaient généralement les opérations du Gouverneur français. Cette inaction est d’autant plus inexplicable que Dupleix savait fort bien que l’escadre du commodore Peyton ne restait dans l’Oûgli que pour attendre de jour en jour l’arrivée de renforts et qu’aussitôt qu’elle les aurait reçus, son commandant s’occuperait de rétablir la prééminence de l’Angleterre dans la baie du Bengale. Il est bien possible que ce qui suit ait influé sur sa conduite. Nous avons vu par sa correspondance avec La Bourdonnais, combien il avait à cœur de conserver une réserve de quelques navires français, à portée de Pondichéry. La petite escadre de Dordelin était tout ce qui lui restait, et l’on comprend qu’il hésitât à engager contre les batteries du fort Saint-David ces quatre navires sous un commandant également dépourvu de fermeté et d’énergie, sachant bien que les brises du Nord, qui à cette saison soufflent dans le golfe, pouvaient, d’un moment à l’autre, amener l’escadre de Peyton avec ses renforts. Il est probable qu’il fut guidé par les mêmes considérations quand, aussitôt après avoir terminé à son gré les négociations avec le nabab, il expédia, le 19 février, son escadre dans le port neutre et abrité de Goa.

Mais quels qu’aient pu être ses motifs, qu’il ait été influencé soit par les considérations que nous avons rapportées, soit par d’autres qui ne sont pas parvenues à notre connaissance, il est toujours certain qu’il perdit une occasion précieuse[1]. Il ne devait pas tarder

  1. Dans ses Mémoires, Dupleix ne fait pas allusion à la possibilité d’employer ses navires pour attaquer Saint-David ni Cuddalore quoique ce dernier point ne fût pas défendu du côté de la mer. Il semblait penser que la supériorité maritime étant à la veille de passer aux Anglais, il ne pouvait mieux employer son temps qu’à rompre leur alliance avec les indigènes.