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PREMIÈRE LUTTE DANS LE CARNATE

Pounar, guéable en quelques endroits, est ailleurs d’une assez grande profondeur pour rendre le passage difficile, surtout en face de l’ennemi. Connaissant cet obstacle, la garnison anglaise avait résolu de ne pas attendre les assiégeants dans le fort, mais bien d’aller s’opposer à leur passage. Les Anglais se portèrent donc au Sud de la rivière, et commencèrent une vive canonnade avec les trois pièces de campagne qu’ils avaient amenées. Paradis se contenta d’abord de leur répondre ; puis à la nuit, il remonta la rivière, et la traversa sans danger, les volontaires anglais envoyés en observation ayant précipitamment regagné le fort après avoir perdu deux des leurs. Paradis reprit aussitôt possession du jardin muré, si malheureusement abandonné par de Bury, et se prépara à attaquer le fort le lendemain.

On put alors juger, de manière à ne pas s’y méprendre, des fatales conséquences auxquelles on s’expose en ne tirant pas parti des occasions qui se présentent. Du 10 décembre au 13 mars, l’armée française était restée inactive à Ariancopan. L’escadre de Dordelin était arrivée le 20 février, et dans les dix jours qui suivirent, le nabab avait notifié son intention de retirer son appui aux Anglais. S’il eût été permis à Paradis de marcher le 14 février au lieu du 13 mars, ces vingt-huit jours auraient plus que suffi pour s’emparer du fort. N’eût-il commence ses opérations que dans les premiers jours de mars, il aurait encore eu de grandes chances de réussite. Tandis que Dordelin aurait attaqué Cuddalore avec la certitude du succès, Paradis se serait porté sur le fort avec des probabilités non moins grandes. Par la promptitude avec laquelle cette ville se rendit bientôt après à Lally, malgré l’accroissement de ses fortifications, on peut regarder comme certain qu’elle aurait succombé infailliblement. Si les événements avaient tourné ainsi, les flottes anglaises n’avaient plus de lieu de dépôt pour les soldats qu’elles portaient dans le Carnate, et les fondements de l’empire français dans l’Inde étaient posés d’une manière inébranlable.

Mais il n’en devait pas être ainsi. Cette inaction d’un mois, inexpliquée, et, selon nous inexplicable, avait laissé échapper une inappréciable occasion. À cette époque, Dupleix agit comme s’il avait