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PREMIÈRE LUTTE DANS LE CARNATE

se rendre à Madras. Il exécuta ce projet avec une extrême habileté ; il arriva devant le fort Saint-David dans l’après-midi du 21, reconnut l’escadre anglaise, et en fut aperçu ; comme il avait l’avantage du vent et qu’il dépendait de lui d’engager ou non l’action, il modifia sa course au Sud-Ouest, comme s’il projetait d’attendre le matin pour attaquer. L’amiral anglais était si convaincu qu’il avait cette intention ou celle de gagner Pondichéry, qu’il ne profita pas du vent de terre qui s’éleva dans la soirée autrement que pour se maintenir en mer à la hauteur du fort Saint-David. Aussitôt que la nuit se répandit, Bouvet changea de nouveau sa direction, et gouverna pour Madras. Y étant arrivé le lendemain matin, il ne prit que le temps de débarquer trois cents hommes, dont quelques malades et cinq millions de francs en espèces ; ceci accompli, il repartit pour l’Île de France, ayant complètement trompé les Anglais et réalisé au moins une grande partie de son dessein.

Cette expédition eut des résultats indirects encore plus importants que ne le furent les conséquences ostensibles ; l’amiral Griffin, ignorant quelle direction la flotte française avait prise, quitta le voisinage du fort Saint-David pour se mettre à sa recherche. Duplcix, en ayant eu avis, voulut en profiter pour tenter un hardi coup de main sur Cuddalore. Dans ce but, il fit partir le 27 juin dix-huit cents hommes, dont huit cents Européens, par une route détournée qui devait les conduire inaperçus jusqu’auprès de cette ville, sur laquelle ils tomberaient à la nuit. Mais le major Lawrence qui, depuis six mois, était arrivé d’Angleterre pour commander les forces anglaises dans l’Inde, était trop bien servi par ses affidés pour n’être pas intormé de l’arrivée des Français et aussi de leurs intentions. Il ne fit aucun mystère de cette nouvelle, et s’en servit pour accroître la confiance de l’ennemi. Il déplaça ostensiblement la garnison et les canons de Cuddalore, et annonça qu’il avait l’intention de se consacrer à la défense du fort ; mais aussitôt que l’obscurité le lui permit, il ramena dans la ville une forte garnison et plaça sur les rempurts tous les canons dont il pouvait disposer. Les Français, complètement dupes des mouvements qu’ils avaient observés jiondant le jour, se croyaient sûrs de leur conquête, et négligèrent toute précaution. À la nuit, ils s’avancèrent sans beau-