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L’INDE FRANÇAISE À SON ZÉNITH

Le désordre s’accrut ; la défaite devint une déroute. Maphuz Khan se rendit prisonnier, et son frère ne dut son salut qu’à une fuite rapide. Le canap, le bagage, soixante éléphants, un grand nombre de chevaux et toute l’artillerie furent la proie des vainqueurs. Mais, leur plus grand avantage était la conquête du Carnate désormais assurée par cette victoire. Le lendemain cet espoir fut confirmé par l’occupation d’Arcate, la capitale. Les Français avaient perdu douze hommes tués et soixante-trois blessés ; parmi leurs Cipayes trois cents furent tués ou blessés[1].

Le premier acte de Mozuffer-Jung, en arrivant à Arcate, fut de se proclamer soubab ou vice-roi du Décan et de nommer Chunda-Sahib vice-roi du Carnate. S’étant, au moyen de petits corps détachés, assurés du pays environnant, les deux chefs se rendirent à Pondichéry pour témoigner à Dupleix leur reconnaissance, l’un du secours qu’il en avait reçu en cette occasion, l’autre, de toute la protection que, depuis des années et même dans les circonstances les plus difficiles, il n’avait cessé d’accorder à sa famille[2]. Ils furent reçus avec beaucoup de pompe ; personne mieux que Dupleix ne connaissait l’influence d’un brillant cérémonial sur les esprits orientaux. Mais il ne se borna pas à de simples démonstrations de grandeur ; il mit en relief cette puissance qui, surtout en Asie, est le moyen le plus sur d’imposer le respect. Les fortifications qui avaient résisté aux Anglais, furent garnies de troupes ; les Européens, dont la supériorité avait été prouvée à Saint-Thomé et à Ambour, furent mis au premier rang ; les vaisseaux hissèrent leurs pavillons d’apparat. Aucun soin ne fut négligé pour persuader aux hôtes que la brillante réception qui leur était faite n’était que la conséquence naturelle d’une richesse et d’une influence fondées sur un pouvoir auquel rien ne pourrait résister dans l’Inde. Ce but fut complètement atteint ; Mozuffer-Jung fut captivé par cette ostentation et la gratitude de Chunda-Sahib n’eut plus de bornes. Dans les premiers transports de son enthousiasme il conféra à

  1. Après la bataille, Chunda-Sahib distribua soixante-quinze mille roupies parmi les troupes françaises, et fit don à M. d’Auleuil d’un territoire produisant quatre mille roupies de revenu.
  2. M. Floyer, Gouverneur du fort Saint-David, fut l’un des premiers à féliciter Chunda-Sahib et à le reconnaître comme nabab.