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PRISE DE GINGI

terribles, tandis que leurs ennemis se décourageaient. À force de monter, ils arrivèrent aux citadelles qui, à la pointe du jour, tombèrent aussi en leur pouvoir, et les vainqueurs purent alors contempler tant d’obstacles presque insurmontables et s’émerveiller d’avoir réussi à s’en rendre maîtres.

En effet, ce fait d’armes était admirable, non-seulement par lui-même, mais encore par l’effet immense qu’il ne pouvait manquer de produire sur les peuples indiens. Ce n’étaient pas des guerriers de second ordre que ceux qui pouvaient^ en moins de vingt-quatre heures, défaire une armée bien supérieure en forces, prendre d’assaut une ville forte réputée imprenable, et qui avait défié pendant trois années la meilleure armée et le meilleur général de l’illustre Aurengzeb. Une victoire si marquante ne pouvait passer inaperçue : des villes du midi, la renommée s’en étendit d’un côté jusqu’à la ville impériale de Delhi, de l’autre jusqu’au palais de Pounah. C’était un fait qui, par les avantages matériels qui en découlaient et par le renom qu’il donnerait à ceux qui l’avaient accompli, ferait une vive impression sur Mahomed-Ali et aussi sur Nazir-Jung, établirait les protégés de Dupleix à Golconde et à Arcate, et mettrait Delhi lui-même presque à portée des entreprises du gouvernement français. Désormais Dupleix pouvait se flatter qu’en mettant à profit avec prudence, mais en même temps avec vigueur, chacune des occasions qui naîtraient, la prise de Gingi serait pour lui une base assurée du progrès des Français dans l’Inde.

L’effet immédiat de cette capture sur l’esprit des indigènes fut tel qu’on devait s’y attendre. Nazir-Jang, jusque-là plongé dans les plaisirs, se réveilla de sa léthargie et fut, lui vice-roi du Mogol, lui qui commandait trois cent mille hommes, foudroyé par ce récit. Il sentait qu’il fallait être ou le vainqueur ou l’allié des Français ; il avait à choisir entre deux partis : ou tenter de conquérir la première de ces conditions, ou négocier pour obtenir la seconde ; car il apprit simultanément que Gingi avait succombé et que d’Auteuil marchait sur Arcate, au moment même où il recevait de Dupleix des propositions pacifiques. Les trois principales conditions étaient celles-ci : la mise en liberté de Mozuffer-Jung et son rétablissement dans les gouvernements qu’il occupait du vivant de son