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L’INDE FRANÇAISE À SON ZÉNITH

lités. Mais avant qu’il fût revenu, la nouvelle de la grande victoire se répandait dans la ville[1]. On peut se figurer quels furent les réjouissances, les transports de joie et l’entliousiasme produits par cette nouvelle. Les Français avaient bien espéré qu’ils arriveraient à conclure un arrangement satisfaisant avec Nazir-Jung, mais il était au delà de toute croyance, et pourtant cela était réel, que, grâce à la valeur de huit cents Européens et de trois mille Cipayes disciplinés par eux, le protégé de la France fût devenu le souverain de rinde méridionale et de trente-cinq millions de sujets. L’enthousiasme s’accrut encore quand on apprit, par une courte dépèche de M. de la Touche, avec quelle modération Mozuffer-Jung agissait dans son triomphe, avec quelle modestie il reconnaissait ses obligations envers les enfants de la France, et avec quelle soumission il annonçait ne vouloir rien entreprendre avant d’en avoir conféré personnellement avec le grand Gouverneur français. Le feu de l’artillerie, le chant des Te Deum, les illuminations, les processions témoignèrent la joie que causaient ces heureux événements.

Il n’était que trop juste que les Français fussent fiers de leurs succès. À peine soixante-seize années s’étaient écoulées depuis que le Français Martin et ses soixante hommes avaient acheté le coin de terre sur lequel s’était depuis lors élevée la ville de Pondichéry, et nous voyons son successeur appelé à donner des lois à trente-cinq millions d’hommes ! Cette capitale avait été jadis assiégée et prise par les Hollandais ; puis c’étaient les Anglais qui, avec des forces de beaucoup supérieures, l’avaient en vain assiégée ; il n’y avait que deux ans de cela, et depuis lors Pondichéry avait grandi pour voir la décadence de cette nation rivale sur le sol indien, et l’inaction forcée, l’avilissement de son autre ennemi, quoique à la vérité cette décadence, cette impuissance, cet avilissement ne dussent être que temporaires. Le génie des Français avait si bien su s’approprier au tempérament naturel des enfants du sol, que partout ils étaient regardés comme des amis ; l’accroissement de leur territoire ne causait aucune jalousie. Leur politique avait été

  1. M. Orme rapporte qu’elle fut portée à Dupleix par Chunda-Sahib en personne.