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DUPLEIX AUX PRISES AVEC L’ADVERSITÉ

être regagné dans le Sud. Trichinopoly pouvait compenser Arcate et Covrebank ; or, Trichinopoly était à sa dernière extrémité ; sans argent, presque sans munitions, à peu près à bout de vivres, cette place était commandée par un Européen peu capable ; enfin la discorde, précurseur infaillible d’un désastre, régnait entre les troupes anglaises et mogoles dont se composait la garnison. Que Law déployât un peu d’énergie, et la place était à lui. Les choses en étaient là, lorsque Dupleix eut connaissance des préparatifs qui se faisaient au fort Saint-David. Le nombre des hommes destinés à la délivrance de Trichinopoly, la nature des approvisionnements qu’ils devaient escorter et la date probable de leur départ, tout lui fut révélé. Il prit aussitôt une résolution digne de lui. Il envoya à Law le récit détaillé de ce qu’il avait appris, et y joignit l’ordre le plus formel de ne laisser que quelques troupes au blocus de Trichinopoly, et de masser le plus grand nombre afin d’attaquer et d’enlever le convoi ennemi. Ces ordres furent réitérés et confirmés par des dépêches successives. La manière dont ils devaient être exécutés y était tracée dans le plus grand détail et avec une clarté qui ne laissait rien à désirer. Il lui envoya en outre toutes les troupes rendues disponibles par la cessation de la campagne dans le Nord du Carnate, lui faisant observer que de cette action dépendrait le sort de la guerre ; que les Anglais battus et leur convoi capturé, Trichinopoly devait forcément tomber et l’intluence de la France triompher ; mais quun échec donnerait à la France la mortification de voir passer aux mains de ses rivaux cette influence, ce pouvoir, cette autorité chèrement achetés et maintenus par tant de persévérance.

La situation était réellement très-grave. Si, au lieu de Law, de Bussy avait commandé les troupes françaises, qui peut avoir des doutes sur la manière dont il aurait exécuté les ordres de Dupleix ? Mais, par malheur pour les vrais intérêts de la France, c’était Law, le soi-disant militaire, et non de Bussy, le véritable capitaine, qui était devant Trichinopoly, Il serait oiseux de rechercher quel eût été le vainqueur probable dans une rencontre entre ces deux rivaux de talents et de mérite semblables. Ce qui est cependant digne de remarque, c’est que le jeune héros qui posa les premiers