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CRAINTES CHIMÉRIQUES DE LAW

de Law une dépêche qui le jeta dans le plus grand étonnement. Elle lui annonçait que, menacé par les Anglais et n’ayant plus aucun espoir de posséder Trichinopoly, il avait résolu de se retirer dans l’île de Seringham. La folie d’un tel projet sauta aux yeux de Dupleix. Il lui sembla que la décision librement prise par un général de conduire ses troupes dans une île où il serait privé de toute communication avec ses compatriotes, était un acte dont personne, à moins d’avoir perdu la tête, ne pouvait se rendre coupable. Il reconnaissait une fois de plus qu’une armée ne pouvait avoir un chef plus dangereux, plus incapable, que celui qui formait un tel projet. Sous cette impression, il agit immédiatement. Dans l’espoir qu’il ne serait pas encore trop tard pour conjurer une si grande calamité, il envoya à Law les ordres les plus positifs pour qu’il se retirât, s’il y avait nécessité de retraite, non pas sur Seringham, mais bien sur Pondichéry. Afin de l’aider en ce sens, et pour le préparer à tout événement, il mit tout en œuvre pour lever de nouvelles recrues, qu’il voulait diriger sur Trichinopoly, afin qu’elles s’efforçassent de faire leur jonction avec Law. Ses propres fonds, une partie importante de la fortune qu’il avait amassée depuis qu’il était au service, furent prodigués pour arriver à ce but. Jamais son intérêt personnel ne l’arrêta dans l’accomplissement de ce qu’il regardait comme son devoir envers la Compagnie et la France. Il réussit par des efforts incroyables à réunir cent vingt Européens, cinq cents Cipayes et quatre pièces de campagne. Il dut en donner la conduite à d’Auteuil, le seul officier dont il pût disposer, avec l’ordre de prendre le commandement supérieur des forces combinées, après avoir opéré la jonction avec Law. D’Auteuil quitta Pondichéry dans la seconde semaine d’avril.

Pendant ce temps, il se passait à Trichinopoly des événements surprenants. Law, quoiqu’il eût été repoussé le 8 avril dans la tentative faite pour empêcher les Anglais d’arriver à cette forteresse, occupait encore une position extrêmement forte. Sa droite, s’appuyant sur le Cauveri, entretenait ses communications avec Seringham et le pays situé sur la rive Nord du Coleron ; son centre était protégé par le Rocher-Français, tandis que sa gauche s’étendait