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GÉNIE DE COLBERT

l’offensive et commencèrent à attaquer les misérables fortifications honorées par leurs colons du nom de forts, et qui leur avaient coûté tant de travail et de dépenses. Les insulaires étaient si nombreux et si hostiles que les Français eurent grand’peine à leur opposer une résistance efficace. Mais le temps et le travail exigés par ces opérations étaient enlevés à l’agriculture, et quoique les colons eussent, en définitive, réussi à conserver leurs forts, ce succès leur coûta aussi cher qu’une défaite, car il engloutit sans espoir de retour les grandes sommes qui avaient été destinées à la colonisation. Si l’on ne savait combien il lui était nécessaire de garder une portion du pays pour en faire un lieu de repos et de refuge dans le long voyage des Indes, on aurait lieu de s’étonner que, dans de telles circonstances et malgré l’abandon par la Compagnie française de ses prétentions sur l’île dès 1672, le gouvernement français eût encore cherché pendant plusieurs années à conserver la possession de la côte.

Quoique le mauvais succès de l’entreprise ne parût pas immédiatement apprécié en France, cependant le désir de renouveler la tentative ne se manifesta pas pendant plusieurs années. La longue minorité de Louis XIV et le ministère du cardinal Mazarin embarrassé de ses guerres de la Fronde, et de ses contestations avec l’Espagne, n’étaient pas favorables aux entreprises commerciales. Mazarin mourut en 1661. Son successeur Colbert fut une des gloires de la France ; c’était un de ces hommes qui donnent leur nom au siècle dans lequel ils vivent. Né dans la classe moyenne de la société, fils d’un marchand, élevé lui-même pour être un banquier et ayant été à ce titre chargé d’administrer la fortune personnelle de Mazarin, il gagna si complètement la confiance de ce ministre, qu’à son lit de mort, le cardinal le recommanda à son maître comme un homme d’une capacité immense, d’une fidélité parfaite et d’une application infatigable. Colbert lui succéda ; d’abord ce ne fut que comme contrôleur des finances, mais il ne tarda pas à être investi de l’administration entière du pays. Sous sa direction salutaire, la France s’éleva rapidement à un rang qu’elle o’avait encore jamais occupé, relativement au reste de l’Europe. Les finances, le commerce, l’industrie, l’agriculture, les arts, tout