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LES PREMIERS FRANÇAIS DANS L’INDE

ressentit l’impulsion de sa puissante volonté et de sa ferme direction. Il créa la marine française et peu d’années après son arrivée au pouvoir elle possédait cent vaisseaux et soixante mille marins. Il créa les ports maritimes de Brest, Toulon et Rochefort ; il acheta Dunkerque aux Anglais, il commença Cherbourg et confondant l’industrie, le commerce et la marine dans un commun avenir, il créa des colonies pour assurer des débouchés à l’industrie et au commerce, en même temps qu’il donnait de l’emploi à la marine en temps de paix.

Colbert n’était resté ni aveugle ni indifférent devant les avantages que les Portugais, les Hollandais et les Anglais avaient recueillis de leurs possessions dans l’Inde, et l’une de ses pensées dominantes fut d’encourager la formation d’une grande compagnie, quelque peu sur le modèle anglais, pour établir un trafic régulier avec ce pays. Il promit le plus grand appui de la part du gouvernement et une charte accordant le droit de commerce exclusif avec l’Inde pendant cinquante ans ; la Compagnie devait être exemptée de toute contribution et le gouvernement s’engageait à lui rembourser toutes les pertes qu’elle pourrait éprouver dans le cours des dix premières années. Dans ces conditions la « Compagnie des Indes » se forma. Son capital était de quinze cent mille livres tournois, mais malgré les privilèges que le gouvernement avait assurés, il ne se trouva pas assez de souscripteurs et le Trésor dut faire l’avance d’un cinquième, soit trois cent mille livres. Cet exemple eut un grand effet sur la noblesse et les riches courtisans qui aussitôt désirèrent vivement se joindre au gouvernement dans une entreprise qui paraissait être un de ses projets favoris[1].

Les destinées de la Compagnie semblaient donc brillantes lorsqu’elle se créa sous les auspices d’une monarchie qui n’avait pas encore, il est vrai, atteint le faîte de sa puissance, mais qui semblait marcher à grands pas vers ce but et qui, par ses talents dans les opérations offensives et le déploiement d’une force réelle, contrastait avantageusement avec les autres États européens ; la

  1. Louis XIV, influencé par Colbert, chercha à entraîner sa noblesse à participer à cette entreprise en déclarant qu’un homme de noble naissance ne dérogeait pas en faisant le trafic avec l’Inde. Édit du Roi, août 1661.