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DÉFAITE DES ANGLAIS

pendant la nuit sur Bahour, à deux milles du fort Saint-David, et le lendemain soir Lawrence ayant continué à s’avancer, il regagna Villanore à trois milles de Pondicliéry.

Dupleix attendait de jour en jour l’arrivée du navire le Prince ayant à bord sept cents hommes, et ce qui était au moins aussi important, un officier qui avait fait ses preuves sur le sol indien, M. de la Touche. Comme les instructions du major Lawrence lui interdisaient d’attaquer les Français dans leurs positions sur le sol français, il aurait été d’une saine politique que le commandant français demeurât où il était jusqu’à l’arrivée des renforts. Mais il sembla que le major Lawrence fût instruit des espérances fondées sur l’arrivée du vaisseau le Prince, et qu’il eût habilement résolu de stimuler l’ambition de Kerjean, qui ne pouvait espérer de garder le commandement après l’arrivée d’un officier d’aussi haute réputation que M. de la Touche. Il décida donc de rétrograder sur Bahour, espérant que Kerjean l’y suivrait ; ses prévisions se réalisèrent[1] : Kerjean suivit le major, et, dès le matin du 6, il reçut le choc de son adversaire. Le combat fut opiniâtre et sanglant. Les Français reçurent l’assaut avec beaucoup d’intrépidité, et croisèrent la baïonnette avec l’ennemi. Leurs Cipayes, qui étaient au centre, ne purent soutenir la charge des Anglais, et lâchèrent pied. Le centre ainsi dégarni, la ligne entière fléchit et s’enfuit en désordre. Kerjean lui-même, quinze officiers et cent hommes furent faits prisonniers. Nous ne connaissons pas le nombre des victimes du côté des Français ; les Anglais eurent un officier tué, quatre blessés et soixante-dix-huit hommes tués ou blessés[2].

Le résultat le plus fâcheux qu’eut cette défaite pour les Français, ce fut l’effet défavorable qu’elle produisit sur les chefs mysoriens et mahrattes. Trois mille guerriers de cette dernière nation, qui, sous la conduite d’Innis-Khan, étaient en marche pour se réunir aux Français, tournèrent leurs pas vers Mahomed-Ali, et les

  1. Le major Lawrence affirme que Kerjean fut contraint d’agir ainsi par les ordres répétés de Dupleix et par la menace d’être remplacé par de la Touche. Mais il ne cite aucune autorité à l’appui de son assertion, et on peut s’imaginer que Kerjean, qui fut fait prisonnier dans l’action, chercha à se justifier aux dépens de son oncle. Ce mouvement était précisément celui que Dupleix cherchait à différer.
  2. Orme, Lawrence’s Memoirs.