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DE BUSSY MARCHE SUR POUNAH

leur semblait dictée par la témérité plutôt que par la prudence. Néanmoins de Bussy la tenta. Prenant avantage du moment où réclipse absorbait, pensait-il, toute l’attention des ennemis, il marcha droit au camp, en faisant usage de sa mousqueterie et de son artillerie. La suprise fut complète, et Balladgi lui-même, qui était occupé de ses dévotions et sans vêtements, n’eut que le temps de s’élancer sur une jument sans selle, dont la rapidité seule lui sauva la vie[1]. Son exemple fut suivi par l’armée entière ; et quant au carnage, si les rapports ne s’accordent pas[2], il est toujours certain que les Malirattes perdirent un butin considérable, et que leur prestige comme guerriers reçut un rude échec. La réputation de Bussy grandit en proportion de sa victoire, pour ne pas dire plus. Il est aisé de comprendre sur quel haut piédestal ceux qui redoutaient les Malirattes devaient élever l’homme qui avait su profiter de leurs faiblesses pour les vaincre avec des forces aussi disproportionnées.

Le lendemain de cet exploit, le 23 novembre 1751, de Bussy marcha sur Pounab, l’ennemi se contentant de le harceler sur ses flancs, en cherchant à entraver sa marche. Le 24, il attaqua et détruisit la ville de Tullygaom. Deux jours plus tard, Balladgi fit encore une tentative désespérée pour recouvrer son prestige. Quelques-uns des plus fameux chefs mahrattes, parmi lesquels les deux fils de Ranodgi Sindia et Konir-Trimbuck Yekbouti, furent choisis pour diriger une attaque contre le camp des alliés. Le 27 novembre, cette attaque eut lieu : l’ennemi chargea les troupes indigènes de Salabut-Jung, et, renversant tous les obstacles, les culbuta complètement ; pendant un instant, il sembla que la fortune allait tourner : la petite troupe française avait conservé sa position ; elle menaçait, mais n’attaquait pas. Enfin de Bussy, remarquant l’échec de ses alliés, fit agir ses canons avec un tel effet sur les masses compactes de la cavalerie ennemie, qu’elle se retira du terrain qu’elle

  1. Grant Duff rapporte, sur l’autorité des récits mahrattes, que la surprise ne fut pas complète et que les Mahrattes n’eurent pas de pertes matérielles. D’un autre côté l’auteur du Seir Mutakherin prétend que « les Mahrattes furent surpris pendant la nuit et qu’ils perdirent un grand nombre d’hommes ; que les Français réduisirent en cendres par le feu leur artillerie. » Grant Duff reconnaît que cette victoire eut pour effet d’accroître beaucoup la réputation de Bussy.
  2. Seir Mutakherin.