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DE BUSSY JUSQU’EN 1754

compté. Petit à petit les obstacles qui s’opposaient à son départ furent écartés, et en septembre 1754, il arriva à Aurungabad avec une armée évaluée à cent cinquante mille hommes.

Alors commença un de ces tissus d’intrigues qu’on ne voit que dans les cours orientales. À Aurungabad se trouvaient réunis Gazi-Oudin, dont le but réel et avoué était d’obtenir la souveraineté du Décan, qu’il ne croyait pas acheter trop cher par le sacriûce d’une portion de son territoire aux Mahrattes ; le représentant de ce dernier peuple, Balladgi, appuyé par Holkar et le Bhonsla, s’efforçait de persuader à chacun des rivaux de lui offrir un plus haut prix que l’autre. Salabut-Jung n’avait là aucun représentant officiel, quoique son ministre Syud-Lushkur fût présent aux conférences, car cet homme rusé, pour mieux exécuter ses plans, avait persuadé à son maître de se prêter à un subterfuge qui consistait à répandre le bruit qu’il avait été destitué de son emploi de dewan, et s’était en conséquence joint comme noble mécontent aux confédérés : de cette manière, disait-il, il pourrait mieux surprendre leur secret. Son but véritable était de cimenter de tout son pouvoir l’alliance des Mahrattes avec Gazi-Oudin, dans l’espoir d’expulser Salabut-Jung, et avec lui le général français et ses troupes.

Le droit de Gazi-Oudin, comme fils aîné de Nizam-oul-Moulk, lui donnait une influence morale qui n’était pas sans poids sur les nobles du Décan et qui inquiétait fort Salabut-Juag lui-même. Il est possible que, dans les circonstances présentes et en face de l’alliance mahratte que Gazi-Oudin avait enfin assurée par Toûre d’un territoire considérable, il eût été disposé à écouter des propositions, quand survint un événement qui ôta toute utilité à de plus amples négociations. Dans l’ancien palais des soubabs à Aurungabad, vivait l’une des veuves de Nazam-oul-Moulk, celle qui ne lui avait donné qu’un fils, Nizam-Ali, né après Salabut-Jung. Tous les désirs de cette mère se concentraient dans une ardente espérance de voir son fils assis sur le trône vice-royal de son père : l’un des compétiteurs, Salabut-Jung, était hors de son atteinte ; l’autre, Gazi-Oudin, était dans Aurungabad même. Elle n’avait aucun scrupule quant aux moyens qu’elle pourrait employer pour l’ôter du chemin qu’elle voulait faire parcourir à son fils ; elle