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DE BUSSY JUSQU’EN 1754

ment et entièrement compter, et dont l’appui lui donnât la force de résister victorieusement à la rébellion, sous quelque forme qu’elle pût se manifester. Il prit donc, dès le début, la résolution de ne jamais se séparer des Français ; c’était à eux qu’il était redevable de sa position, et il reconnaissait que ce n’était que par eux qu’il pourrait la conserver. Ces résolutions avaient été confirmées et fortifiées par les services signalés que lui avait rendus de Bussy dans la guerre des Mahrattes, et aussi par l’excellente discipline au moyen de laquelle il avait contenu ses soldats.

Par le départ de Bussy, le soubab se trouva privé du seul homme avec loquel il eût l’habitude de rapports et d’entretiens confidentiels, et il observa bientôt après quel changement se produisait dans la conduite des officiers et des soldats. Goupil n’entendait rien à la discipline, il était bon et faible. Les règlements que de Bussy avait si bien fait respecter furent, l’un après l’autre, mis de côté. Il en résulta tout naturellement que les troupes qui sous l’un avaient été gardiennes de l’ordre public, le troublèrent sans cesse sous l’autre. L’ivrognerie et la licence remplacèrent la sobriété et la discipline. Ce changement dans leur conduite en produisit un dans les sentiments du peuple, jusqu’à ce que, par degrés, l’aversion devint marquée et se transforma en une haine croissante. Non-seulement Syud avait observé ce changement d’un œil satisfait, mais, autant qu’il avait dépendu de lui, il l’avait excité et encouragé. Un des moyens les plus efficaces qu’il mit en œuvre fut de différer la paye mensuelle des Français. Il espérait les pousser ainsi à quelque acte d’indiscipline, qui les brouillerait tout à fait avec le peuple, et les présenterait sous un jour odieux au soubab ; il se flattait que ce serait la baguette magique au moyen de laquelle il opérerait d’abord leur éloignement du quartier général d’Hydérabad, puis leur expulsion définitive du Décan. Quand il informa les officiers qu’il n’avait pas les fonds nécessaires pour leur paye, il accompagna cet aveu de protestations sans fin de ses profonds regrets, rejetant le blâme sur les tributaires qui n’avaient pas envoyé leurs impôts. Quand, au bout de quelque temps, les officiers, obsédés par leurs soldats dans la détresse, et eux-mêmes fort gênés sous ce rapport, revinrent lui apporter leurs