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CHUTE DE DUPLEIX

La perte du Rocher-d’Or et l’extrême danger frappèrent en même temps les yeux de Lawrence. Que devait-il faire ? Se retirer, c’était courir à une destruction totale, car, dans sa retraite, il serait harcelé et entravé par les Mahrattes qui menaçaient déjà son bataillon ; s’avancer, c’était aller à la rencontre d’un ennemi triomphant, possédant une forte position et très-supérieur en nombre. Il semblait ne lui rester que le choix entre deux morts. Lawrence parut en juger ainsi ; il s’arrêta, mais ce ne fut qu’un instant. Ce court repos suffit pour lui inspirer une résolution digne de lui et de la nation à laquelle il appartenait. Il y a un principe qui devrait être gravé dans l’esprit de tout commandant : c’est que dans toutes les circonstances douteuses, il faut attaquer. Surtout lorsque l’attaque et la retraite se présentent sous des aspects également sinistres, le général doit se rappeler que la première encourage et que la seconde démoralise ; l’une rend la défaite certaine, l’autre laisse au moins quelques chances de succès. Au pis aller, il vaut mieux mourir en avançant qu’en reculant ; il vaut mieux commander le respect de l’ennemi que de lui offrir une occasion de témoigner son mépris.

Il est probable que ces pensées se présentèrent à l’esprit de Lawrence, car après cette halte momentanée, il détacha un corps choisi de grenadiers et de Cipayes pour attaquer de front la colline, tandis qu’il marcherait lui-même sur le gros des Français rangés à gauche ou à la base. C’était une résolution héroïque, qui fut héroïquement exécutée. Les grenadiers et les Cipayes gravirent l’escarpement sans coup férir, et parvenus au sommet, chargèrent les Français qui s’y trouvaient avec tant de vigueur et d’impétuosité, qu’ils les précipitèrent sur le versant opposé. Pendant ce temps Astruc, qui avait vu le mouvement de Lawrence, mais non celui des grenadiers, avait rangé ses hommes, la droite appuyée sur l’éperon de gauche du Rocher qui, pensait-il, couvrait son flanc. S’opposant aussi aux Anglais qui n’étaient plus qu’à cinquante mètres de lui, il ordonna à la cavalerie mahratte et aux alliés indigènes de marcher pour les prendre en arrière et en flanc. La victoire lui semblait hors de toute question ; mais au moment où ses manœuvres allaient produire leur effet, sa ligne fut brisée