Page:Malleson - Histoire des Français dans l’Inde.djvu/348

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
328
CHUTE DE DUPLEIX

hommes, formés par Clive et Lawrence lui-même, avaient dès lors atteint ce degré de perfection qui plus tard distingua les vétérans de Wellington ; c’étaient des hommes dignes qu’on leur confiât toute espèce de service, qui ne considéraient ni les difficultés ni le nombre, auxquels il suffisait de montrer la position de l’ennemi en donnant l’ordre de l’attaquer. Il n’y eut jamais de plus haut fait d’armes que cet assaut, livré par une poignée de grenadiers, à ce Rocher-d’Or occupé par un ennemi qui venait de s’en emparer et dont l’armée était rangée autour de sa base ! La tentative seule eût suffit pour intimider un ennemi qui n’nurait pas su par expérience que le seul moyen de vaincre est de toujours marcher de l’avant. Ce fut un de ces actes d’héroïsme qui méritent d’être inscrits dans l’histoire d’une nation, afin de ne jamais être ensevelis, comme ce fut le cas, dans l’oubli[1].

Après leur défaite, les Français se retirèrent au bois du Derviche, pour, de là, reprendre le système de blocus qu’ils avaient adopté, et Astruc s’étant démis du commandement, retourna à Pondichéry. Son successeur, Brennier, résolut de faire par le blocus ce que la force n’avait pas réussi à effectuer. Il arriva à réduire la ville aux plus dures extrémités ; le riz atteignit en peu de temps le prix d’une roupie la livre. Le bois à brûler vint à manquer complètement ; la ville fut bientôt désertée par ses habitants, qui préféraient s’exposer à être attaqués par l’ennemi plutôt que de mourir de faim. Mais Brennier ne réussit pas mieux que son prédécesseur à atteindre son but, car Lawrence, déterminé à recourir à tous les moyens pour éviter un désastre, partit pour Tanjore avec le gros de son armée, laissant Dalton pour défendre la ville.

Brennier, en apprenant la marche de Lawrence, conçut deux plans : le premier était d’attaquer Trichinopoly pendant qu’il était si faiblement gardé ; le second était d’aller avec toutes ses

  1. Cette histoire est racontée en détail par Onue, le colonel Wilks et le major Lawrence ; mais leurs œuvres qui datent, les unes de quatre-vingt-dix ans, les autres d’au moins cinquante, ne sont plus guère lues. Mill raconte la campagne de 1753 en dix-neuf lignes, et ne fait aucune metion spéciale de cette action. Barchou de Penhoen, plus juste pour ses adversaires que Mill pour ses amis, s’exprime ainsi : » Lawrence, sachant combien il pouvait compter sur ses troupes, marche hardiment contre les Français, et après un combat sanglant et opiniâtre, demeure maître du champ de bataille. » On peut donc dire que nos historiens modernes ont laissé tomber dans l’oubli une action si brillante.