Page:Malleson - Histoire des Français dans l’Inde.djvu/362

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
342
CHUTE DE DUPLEIX

fatale opiniâtreté qui influença sa conduite dans cette mémorable négociation. Il est hélas ! trop évident qu’en ceci il fut guidé, non plus par son génie, mais par ses passions. Son orgueil ne lui permit pas de faire cet unique pas rétrograde dont plus tard il aurait bien su se faire un point d’appui pour, de nouveau, s’élancer en avant. Il avait si longtemps, si ouvertement combattu pour son titre honorifique, qu’il ne voulut pas alors s’abaisser jusqu’à l’abandonner, surtout lorsque l’influence de Bussy à Hydérabad et la possession des quatre Circars semblait le rendre virtuellement l’arbitre du Décan. Raisonnement aveugle et fatal ! Ses succès dans le Nord auraient dû le rendre plus facile, plus conciliant, plus disposé à céder. Il aurait dû se contenter d’agir selon le temps. Il n’y aurait pas toujours à Madras un Saunders et un Lawrence, l’Angleterre avait eu des Morse, des Floyer, des Cope et des Gingen ; elle pouvait bien en avoir encore. Lui qui avait exercé tant d’influence sur les indigènes qu’il avait courbé sous sa volonté un Mozuffer-Jung, un Chunda-Saliib^ un Mortiz-Ali jusqu’à les rendre semblables à l’argile que manie le potier ; lui qui avait dompté l’esprit audacieux d’un Morari-Rao, devait-il désespérer de subjuguer un Mahomed-Ali ? Une fois rendu indépendant, délivré par ce traité des entraves anglaises, Mahomed-Ali serait bientôt tombé sous le joug de sa puissante influence, de son irrésistible volonté. Tandis que, comme Anglais, nous ne devons que nous réjouir de cet orgueil superbe qui préféra risquer tout plutôt que d’abandonner une seule de ses prétentions, nous ne pouvons que déplorer, si nous nous plaçons sur un terrain neutre, de voir un si vaste génie entaché par cette grande faute. Napoléon agit de même dans des circonstances semblables. Lui aussi, en 1813 et 1814, préféra risquer son trône plutôt que de sacrifier la moindre de ses exigences. Les deux grands hommes furent inspirés par les mêmes motifs. Ce fut uniquement, nous le répétons, parce que, dans des circonstances qui requéraient également un jugement froid et une juste appréciation, ils se laissèrent, l’un comme l’autre, dominer par leurs passions !

Mais les hostilités ne cessaient toujours pas dans le Carnate. Le succès temporaire des armes françaises somblait presque justifier la hautaine persistance de Dupleix devant Trichinopoly.