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INTRIGUES CONTRE DUPLEIX

rivaux désiraient voir rappeler ? Mais la passion ne raisonne pas ; elle ne cherche que des prétextes pour couvrir d’un manteau ses projets favoris. Dans cette occasion, elle agit si puissamment sur les Directeurs français, que la majorité fut, par degrés, amenée à la croyance que les intérêts de la France et de l’Angleterre seraient également bien servis si l’on relevait de son poste l’homme qui était le plus ferme appui des premiers, et l’ennemi le plus déterminé des seconds.

Cependant, ce ne fut pas tout d’un coup qu’ils tombèrent dans le piège : pendant longtemps Duvalaer défendit Dupleix et rétorqua contre Saunders les accusations que l’on accumulait sur la tête du Gouverneur français. Mais le poison n’en produisait pas moins insidieusement son action. L’opinion que Dupleix était le seul obstacle à une bonne entente gagnait du terrain. La prudente assurance du ministère anglais favorisait ce bruit, sans déclarer ouvertement qu’il ne voyait aucun espoir de faire cesser les hostilités aussi longtemps que Dupleix serait Gouverneur, mais laissant clairement entendre que telle était sa conviction. Il équipa quatre navires de guerre, sur lesquels il embarqua un régiment tout entier, et les expédia ostensiblement aux Indes-Orientales sous les ordres de l’amiral Watson.

Il aurait été heureux pour Dupleix, et pour la France elle-même, que la Compagnie française eût pu répondre à cette démonstration par l’assurance que la paix était déjà conclue par les deux gouvernements locaux ; que par conséquent de plus longues négociations devenaient sans but. Or, depuis juillet jusqu’à décembre 1753, il avait été possible à Dupleix d’avoir un pareil message à expédier. Mais il n’en arriva aucun, et les Directeurs français furent amenés à prendre la détermination de sacrifier un seul homme pour le bien, croyaient-ils, de toute la nation. Ils acceptèrent donc la proposition faite par les commissaires anglais ; il s’agissait de rappeler les deux Gouverneurs en même temps et de les remplacer par deux commissaires, un pour chaque nation, qui se rendraient directement dans l’Inde, afin d’y établir les affaires sur un pied qui rendît la guerre impossible entre les deux établissements tant que les deux puissances seraient en paix. Pour exécuter cette conven-