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GODEHEU REMPLACE DUPLEIX

demandé le pouvoir de le renvoyer en France en disgrâce et en état d’arrestation ; mais sa démarche avait été repoussée par les Directeurs, qui lui avaient formellement interdit d’user de violence ou de contrainte, sauf le cas improbable où Dupleix opposerait de la résistance à l’autorité légitime. Comment aurait-il pu savoir tout cela ? Comment aurait-il seulement pu le soupçonner ? Le seul soupçon de bassesse suffit pour révolter une nature noble et généreuse. Doué lui-même d’un sentiment sublime de l’honneur et d*une nature ardente et sympathique, comment Dupleix aurait-il pu imaginer que celui qu’il avait traité en ami et en confident userait de cette amitié et de cette confiance pour le trahir ?

Mais Dupleix ne devait pas demeurer longtemps dans son erreur. Le Ier août, le vaisseau le Duc-de-Bourgogne, ayant Godeheu à bord, arriva en rade de Pondichéry. Dupleix en fut informé par une lettre, lui annonçant aussi qu’il était accompagné d’un autre vaisseau, et que trois autres, amenant deux mille hommes de troupes, suivraient prochainement. Dupleix partit aussitôt pour aller à la rencontre de son ancien ami. La réception fut des plus froides. Godeheu refusa son hospitalité, et ne voulut même pas aller à terre avant qu’une maison lui eût été préparée. Il remit à Dupleix trois documents : le premier était une lettre de lui-même, où il avait répété à satiété son désir de rendre la situation de son prédécesseur aussi peu pénible que possible ; le second demandait un rapport détaillé de l’état des affaires dans l’Inde française ; le troisième un ordre du Roi contenant son rappel. La première lettre était probablement écrite dans le but de dissuader Dupleix d’opposer, comme Godeheu le craignait, une résistance armée à son autorité, car, en débarquant le lendemain et étant reçu sur le quai avec beaucoup de pompe et de splendeur, il l’informa brièvement qu’il comptait sur son départ immédiat pour l’Europe avec sa famille. Il se transporta ensuite à la chambre du Conseil, où sa commission fut lue à haute voix. Le silence qui suivit cette lecture ne fut interrompu que par Dupleix lui-même, non pour protester ou proférer des plaintes indignes de lui, mais pour faire entendre le cri de : Vive le Roi !