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DUPLEIX RUINÉ PAR GODEHEU

subterfuge, il évita de faire aucune mention dans son rapport des sommes dues à Dupleix. Mais ce n’était pas tout : nous avons rapporté que Dupleix faisait aux alliés des avances pour les dépenses de la guerre, et cela à même ses propres fonds. Ces avances étaient garanties sur certains districts du Carnate dont les revenus le remboursaient. Il est établi que Papiapoulé, l’agent des princes indigènes, avait en sa possession un ordre de verser à Dupleix les revenus de ces districts, à valoir sur les sommes qui lui étaient dues. À l’époque de l’arrivée de Godeheu, une partie de ces sommes avait déjà été remboursée, mais il en restait environ pour vingt-deux millions de dues qui, en continuant de la même manière, devaient être complètement éteintes en 1755 ; Godeheu, voyant là un moyen d’enrichir l’État aux dépens de Dupleix, préféra considérer ces avances comme faites irrégulièrement par Dupleix, pour son propre avantage personnel, et non pour le bien de l’État. Il fit saisir Papiapoulé dans sa propre maison, le mit en prison[1] avec les circonstances les plus injurieuses pour Dupleix, lui enleva tous ses papiers, et afferma les revenus de ces districts à un autre indigène au seul profit de la Compagnie. En outre, il refusa de laisser payer à Pondichéry un billet de quatre cent vingt-deux mille six cent six francs, souscrit par la Gompagnie elle-même au profit de Dupleix. L’ayant ainsi ruiné, l’ayant exposé aux réclamations de ceux qui n’étaient ses créanciers que parce que, pleins de confiance en sa loyauté, ils avaient prêté leur argent à l’État, Godeheu permit le départ de cet homme illustre entre ceux que la France de Louis XV ne produisit, semble-t-il, que pour montrer combien son abaissement la rendait indigne d’enfants si glorieux[2].

Nous nous associons aux lignes suivantes, que nous empruntons à un écrivain français de nos jours[3] : « On admire beaucoup et l’on cite l’Angleterre pour avoir résolu ce grand problème de gouverner à quatre mille lieues de distance, avec quelques centaines d’employés civils et quelques milliers

  1. Il demeura dans les fers jusqu’en 1758, qu’il fut délivré par Lally.
  2. Ce récit de la manière dont Dupleix fut traité par Godeheu est puisé dans les rapports officiels des témoins oculaires et dans ceux que Dupleix a publiés.
  3. Xavier Raymond