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CHUTE DE DUPLEIX

d’employés militaires, ses immenses possessions de l’Inde. S’il y a quelque nouveauté, quelque hardiesse et quoique génie politique dans cette idée, il faut reconnaître que l’honneur en revient à Dupleix, et que l’Angleterre, qui en recueille aujourd’hui le profit et la gloire, n’a eu qu’à suivre les voies que le génie de la France lui avait ouvertes. » Oui, en vérité, maintenant qu’un siècle, en nous séparant de cette époque brûlante, l’a dégagée de ses passions et de ses préjugés ; maintenant qu’appuyés sur les faits accomplis nous pouvons contempler, étudier les idées et les conceptions de ces hommes qui furent les pionniers de la conquête des Européens sur le sol indien ; maintenant qu’il n’existe pas un Anglais sincère qui refuse au célèbre Gouverneur français l’honneur d’avoir été le premier à comprendre la nécessité d’étahhr la prépondérance de l’Europe dans l’Indoustan et à montrer par la pratique que cette prééminence pouvait être établie et maintenue, si l’œuvre de Dupleix n’a pas été durable, c’est qu’il eut le malheur de naître à une époque où son pays était plongé dans le profond abîme de la débauche et d’un mauvais gouvernement, où tous les emplois de l’État étaient sous le patronage d’une courtisane en titre ; où, trop souvent, la vertu, l’honneur, la vérité étaient bafoués et tournés en dérision. Elle ne fut pas durable parce que le faible gouvernement qu’il servait le rappela, à l’instigation de ceux qui, depuis un temps immémorial, étaient les ennemis de la France, et juste au moment où ses entreprises allaient produire leurs fruits d’or. Mais les résultats de ses conceptions lui ont survécu : le terrain qu’il avait si bien arrosé et fertilisé, dont il avait si bien prouvé la richesse, fut, presque immédiatement après son départ, occupé par ses rivaux, et occupé avec l’immense résultat qui est l’une des merveilles du siècle présent.

Nous ne pouvons douter que si Dupleix eût encore joui deux ans de l’autorité nécessaire pour amener à maturité tous ses projets, c’eût été à lui, et non à ses rivaux, que serait échu le riche héritage du Bengale. La possession des Circars lui fournissait une excellente base pour ses opérations avec Nazim, le nabab du Bengale. Qui peut supposer que si Chandernagor avait été sous son contrôle en 1757, il eût hésité à s’unir à Surajoud-Doulah pour